Il est intéressant de voir comment la télévision est en train de se transformer en arme puissante entre les mains de pays qui savent bien l’exploiter à des fins géopolitiques. Après le coup de maître de l’émirat du Qatar qui a réussi à passer de l’anonymat total à un leadership de niveau international grâce à sa chaîne satellitaire Al Jazeera, d’autres pays ont aussi compris que le pouvoir de la télévision sur l’opinion publique est si fort que la détention de cette arme d’orientation populaire massive est devenue une nécessité. D’autres pays ont suivi et ont réussi à se positionner à travers des chaînes d’information continue. Certes, Al Jazeera a réussi à préserver son leadership jusqu’à maintenant, mais ils ont quand même réussi à placer sur l’espace satellitaire des voix différentes casant ainsi le monopole qatari dans ce domaine. D’autres pays, qui sont à la recherche d’un positionnement géopolitique dans la région arabe, ont fait la trouvaille – géniale – de passer non pas à travers l’information mais grâce à la distraction. La Turquie est arrivée à se faire connaître et à se faire aimer par les peuples arabes grâce à des séries télévisées doublées en arabe dialectal libanais. Dans chaque foyer du monde arabe, on considère, aujourd’hui, les Turcs comme étant des gens très proches de la culture arabe. Cette percée a permis de susciter l’intérêt des Arabes pour la politique turque, pour le rôle de la Turquie dans le processus de paix au Proche-Orient, pour son économie, son industrie, etc. Un autre pays s’est inspiré de cette expérience. Il s’agit de l’Iran d’Ahmadinejad qui a d’abord commencé par des séries religieuses comme le feuilleton relatant l’histoire du Prophète Youssef qui a eu un grand succès dans le monde arabe. Aujourd’hui, Téhéran tente une nouvelle expérience en mettant sur le marché une série racontant une histoire d’amour. La chaîne arabe MBC commencera bientôt sa diffusion. Intitulée «les vents de l’amour», cette série iranienne tente de produire chez le téléspectateur arabe une rupture totale avec les idées préconçues sur la société iranienne en la présentant comme une société ouverte et moderne, etc. Au Maroc, malheureusement, la prise de conscience du pouvoir géopolitique de la télévision existe. Mais, il semble que l’on n’a pas encore trouvé la bonne voie et les bons choix. Nous avons été les premiers dans le monde arabe à comprendre l’étendue du pouvoir d’un média régional quand nous avons créé la chaîne radiophonique Médi1. Et nous en avons énormément tiré profit durant les trente dernières années. Mais, nous n’avons pas su aller plus loin. La télévision Médi1Sat est aujourd’hui un outil en faillite et nos télévisions publiques ont du mal à se positionner en leaders au Maghreb alors que l’on est les seuls à avoir la capacité de le faire. Dommage!