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Cancer : La spiritualité n’est pas contradictoire avec la science…

© D.R

«Je vois en la spiritualité comme une invitation du Divin entre le patient et le médecin»

L’association Dar Zhor a organisé, il y a quelques jours, un webinaire sur le cancer et la spiritualité. L’ONG, présidée par Dr Myriam Nciri, œuvre depuis sa création au bien-être des patients souffrant de cancer. Leur accompagnement passant, également, par l’information. Les expériences et les témoignages aussi émouvants qu’édifiants, formulés par les trois intervenants, ont permis en effet à l’audience de reconsidérer le véritable cheminement de vie. Dr Jean Becchio, praticien consultant des Hôpitaux de Paris (soins palliatifs-psychiatrie), Dr Nawal Bouih, radio-oncologue au Centre Kindy Casablanca, et Dr Faouzi Skali, docteur en anthropologie, ethnologie et sciences des religions et écrivain, en ont fait un tour d’horizon.

Lors de ce webinaire, chaque intervenant a eu l’occasion de s’exprimer sur sa propre expérience et présenter ses moyens pour renforcer cette spiritualité, longtemps décriée dans le domaine de la science, jugée trop rationnelle pour laisser transvaser des notions considérées pendant longtemps trop floues et empruntées au domaine du religieux -qui n’est pas forcément le cas-.
En partageant son cheminement spirituel en tant que cancérologue, Dr Nawal Bouih a bien montré que ses expériences ont changé depuis le début de sa carrière, selon le lieu où elle a eu à exercer. Assumant pleinement son capital spirituel, la praticienne regrette que le sujet ne soit pas du tout développé dans les conférences de cancérologie. Sa conviction profonde est qu’une connexion d’un autre ordre n’est pas du tout incompatible avec la science. Les avis divergent. Et si après ses études et une immersion au sein du CHU Ibn Roch de Casablanca, elle partit à Nancy exercer, elle se sentit très vite muselée face à des patients souffrant des pires maux, s’agissant d’un pays laïc. La rigueur allemande lui apprit, toutefois, l’humilité par rapport au savoir. «J’ai eu la chance de rencontrer de grands médecins reconnus qui doutaient de leur science, qui s’interrogeaient les uns les autres et qui prenaient mon avis. J’ai appris, aussi, à regarder l’impact des mots dans les yeux des patients», confie-t-elle, non sans émotion.

Face à la peur de la sentence, le patient convoqué suite au staff décisif recherche, forcément, un regard compatissant du médecin… Dès lors, l’approche change et la relation patient/médecin optimale est celle basée sur l’empathie. Pour Dr Bouih, qui s’est fait appeler, pendant longtemps, au Maroc, par son prénom, par ses patients, ‘’la force des mots que l’on ne peut pas dire’’ est réelle. Son choix de retourner au pays s’est fait de lui-même compte tenu de ce capital spirituel. Au Maroc, en effet, elle retrouva les formules Allah Ichafi, Bismillah, Inchallah, au quotidien lors de ses consultations. Profondément convaincue que cette croyance ne dévalue en aucun cas la connaissance, Dr Bouih adopta une nouvelle approche en direction du patient. Son cœur ne s’arrêterait pas au niveau de la bouche… Et c’était essentiel pour elle de pratiquer son métier ainsi. «Je vois en la spiritualité comme une invitation du Divin entre le patient et le médecin». Face à la souffrance d’autrui, elle savait, aussi, qu’il fallait continuer à lui sourire, lui parler en le regardant. Mettre de côté l’égo est très important. «La question est de savoir si on veut être un bon médecin technicien, c’est-à-dire traiter les patients avec la chimiothérapie quand c’est possible ou le mieux, de les soutenir en plus pour les soulager des maux de l’âme. Pour moi cela va de pair», poursuit Dr Bouih. Tout est question d’humilité vis-à-vis de la science, ce qui est recommandé d’ailleurs dans les livres sacrés.
La vérité même terrible est plus simple, aussi, à dire quand le médecin fait preuve d’empathie, de compassion… Quand la relation est établie entre lui et le patient, soulager ce dernier devient plus simple. «J’ai rencontré durant ma trajectoire des patients qui ont une foi inébranlable, qui affichaient un sourire et une lumière éblouissante se détachait d’eux. Ces personnes inestimables à mon avis ont une philosophie égale à celle des grands maîtres spirituels», témoigne Dr Bouih.

Dr Faouzi Skali expliquera, de son côté, que «vivre une chose c’est déjà une spiritualité en soi car c’est l’expérience de la vie aussi complète et aussi aboutie qu’elle puisse être». Interrogé, justement, sur les ressources spirituelles face aux épreuves et à la maladie, l’expert fait remarquer que «l’approche de la spiritualité se fait souvent à travers la religion alors que cette dernière véhicule l’angoisse, la peur en plus de la spiritualité». Expliquer la gravité d’une chose par la punition est très souvent, aussi, un réflexe chez l’être humain. Là aussi Dr Skali conseille de ce fait de mettre les choses dans une véritable perspective pour que le religieux puisse être pour l’individu un allié et une ressource intérieure. «La vie est une transformation si l’on veut la considérer spirituellement. On grandit en humanité et c’est ce qui donne un sens à la vie», précise le penseur. Partant de là, la question de la culpabilisation est sans fondement. De nombreux hadiths, d’ailleurs, l’expliquent. «Il faut donner au statut de l’épreuve une autre signification que la punition car il s’agit plutôt de l’opportunité de se transformer», poursuit Faouzi Skali invitant le lâcher-prise pour que l’impact spirituel soit positif sur le cœur et le cerveau, c’est-à-dire ce qui arrive à l’individu réellement.
Enfin, Dr Jean Bacchio abordera la question d’activation de la conscience pour maîtriser la maladie. «Nous ne sommes pas responsables de la guérison mais de l’action. Face aux situations extrêmes où la guérison est, malheureusement, à exclure, les soins palliatifs sont là pour accompagner les patients en phase terminale». Le membre fondateur du Collège international des thérapies d’activation de conscience (CITAC) expliquera qu’il existe trois sortes de projets pour permettre cette activation. Le projet immédiat consiste à soulager la douleur physique et la souffrance morale. «S’agissant d’une urgence, les moyens de le faire se traduisent par soit l’administration médicamenteuse, soit par la technique d’activation de conscience qui remplace l’ancienne hypnose», éclaire le spécialiste. Le second cas est le projet à moyen terme où le patient ne souffre pas bien qu’il soit fatigué, inquiet et déprimé. Il a perdu confiance en lui. «Il faut à ce stade rapidement lui remonter le moral et son physique par effet induit pour lui permettre l’action. Les soins palliatifs sont là pour donner suffisamment d’énergie pour la journée». Enfin, le troisième cas renvoie aux projets à long terme pour que la personne qui sent qu’elle ne va pas vivre longtemps puisse atteindre ses objectifs les plus chers. Comme Dr Bouih, Dr Becchio affirmera, que «de manière générale, le médecin doit être humain dans le contact. Certains mots favorisent l’installation du confort chez le patient. D’autres sont destructeurs de la lueur d’espoir au contraire. Il s’agit de trouver le moyen de relancer le patient dans l’action car l’espérance est toujours là. Et la spiritualité aussi».
Le praticien se souvient des consignes bien fermes en début de carrière en France : parler de tout au patient sauf de politique et de spiritualité. «Mais quand j’ai découvert les soins palliatifs, j’ai trouvé que c’était une honte de ne pas parler de spiritualité quand on a de la spiritualité». La boucle est bouclée..

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