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La réalité économique voudra qu’on revoie la façon dont nous gérons le business

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Entretien avec Omar Benaicha, 1er vice-président de l’Observatoire de la RSE au Maroc

Comment faire que cette crise inédite devienne un accélérateur vers une économie plus soutenable ? A l’heure de la Covid19, la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est à rude épreuve. Au Maroc, elle s’est ancrée durant les dernières années dans les stratégies d’entreprises en tant que levier supplémentaire de développement. Aujourd’hui, le défi est de taille pour celles qui s’engagent. Plus que jamais les entreprises ont un rôle à jouer dans la société au-delà de leur activité économique. Pour en savoir plus, Omar Benaicha, 1er vice-président de l’Observatoire de la RSE au Maroc (ORSEM) et docteur en sciences de gestion (RSE), nous livre son analyse sur la question.

ALM : Comment se positionnent les entreprises marocaines en matière de RSE ?

Omar Benaicha : Au Maroc, les entreprises adoptent de plus en plus des pratiques de RSE. Comme dans la plupart des pays en développement, les grandes entreprises et les filiales de multinationales ou les entreprises internationales réalisant des chantiers au Maroc sont les plus engagées. Toutefois de grandes PME marocaines commencent également à intégrer les principes de la RSE dans leurs démarches de management. Souvent le nombre d’entreprises labellisées par la CGEM (autour d’une centaine dans le cadre de la commission entreprise citoyenne et responsable) est avancé comme indicateur de la pénétration de la RSE mais cette approche est très réductrice. En effet, plusieurs entreprises engagent des pratiques sur l’ensemble des sujets de la RSE ou de façon partielle et n’ont pas encore candidaté pour une labellisation. Elles sont souvent certifiées ISO ou tout simplement ont des programmes internes sur des questions sociales et environnementales mais pas nécessairement dans le cadre d’une stratégie ou politique formelle.

La Covid19 a mis au défi les entreprises sur leur responsabilité sociétale. Sommes-nous en train d’assister à un changement de paradigme en matière de RSE ou c’est plutôt la confirmation de ce que prône la RSE depuis plusieurs années ?

L’essence de la RSE est de construire des relations avec ses parties prenantes internes et externes autour de l’éthique, de la transparence et at création commune de valeur durable. Cette crise a démontré combien ces valeurs sont décisives pour faire face à des situations de crise. La solidarité, la bienveillance, le partenariat… sont autant de valeurs qui forment aux côtés d’autres le socle d’une démarche RSE. Que ce soit vis-à-vis de ses salariés, de ses clients, de ses fournisseurs, de ses actionnaires ou encore des pouvoirs publics, l’entreprise a découvert l’importance de ces valeurs et leur mise en œuvre opérationnelle pour assurer sa survie et assurer la continuité d’activité. Les entreprises qui avaient des démarches RSE ont été confortées dans leurs choix et elles ont géré avec beaucoup plus d’agilité les changements induits par la crise ; d’autres ont perdu du temps, voire de l’argent, pour se rattraper et se repositionner et quelques-unes en sont définitivement impactées.

Quelles sont les actions RSE à mener pendant la période post-Covid19 ?

Face aux défis de la crise sanitaire et la crise économique qui s’en est suivie, l’entreprise a besoin de revoir ses relations, et leur gestion, avec plusieurs parties prenantes. A titre d’exemple, vis-à-vis des employés, nous pouvons citer les conditions de travail, la santé et sécurité, le réaménagement du temps de travail pour sauver un maximum d’emplois. Vis-à-vis des actionnaires, nous pouvons citer le renforcement de la gouvernance, la transparence dans la communication des informations et des décisions, la gestion efficace de l’exploitation pour maintenir l’équilibre financier ; et vis-à-vis des fournisseurs, nous pouvons également citer la communication transparente sur la situation et les décisions, le dialogue en vue de trouver des solutions ensemble à la continuité d’activité, le paiement à temps des créances…

La réalité économique prendra-t-elle le dessus sur la RSE ? Où la priorité devra-t-elle être placée ?

La réalité économique voudra qu’on revoie la façon dont nous gérons le business en général. Avec ou sans la RSE, le monde de demain (the New Normal) exigera une nouvelle génération d’entreprises et de managers. Ces derniers doivent intégrer des visions à long terme, prendre conscience du nouveau rôle assigné à l’entreprise dans la société, trouver de nouveaux arguments et du sens pour mobiliser les parties prenantes. Regardez en Europe et même aux Etats-Unis, ces mouvements politiques et civiques autour des droits de l’Homme, de l’écologie, de la redéfinition des rôles des institutions, des Etats… Or c’est bien ce que les concepts de RSE et son corollaire le développement durable prônent depuis des décennies ; l’entreprise est un acteur dans la société qui doit avoir une utilité sociétale s’il veut obtenir et garder dans le temps une légitimité sociétale. C’est le cœur du débat en cours sur la moralisation du capitalisme. Nous aurons donc une réalité économique à gérer à très court terme, sauver les meubles en quelque sorte, mais ce débat restera prégnant car rien ne sera plus comme avant.

Comment les départements RSE au sein des entreprises marocaines pourront-ils s’imposer dans les stratégies d’avenir ?

Je dirais que ces démarches vont s’imposer à la fois par le levier de la contrainte et celui de l’opportunité. Les stratégies des entreprises ne sont pas aveugles à ces évolutions dans leur environnement, et les départements RSE qui se créent dans plusieurs entreprises depuis quelques années ne sont que l’indicateur de cette prise de conscience. La contrainte est en train de venir de différentes parties prenantes dont les exigences sociales, sociétales et même environnementales vont s’accentuer car le monde entier prend conscience du péril qui attend notre société et notre planète si nous restons les bras croisés. Au Maroc il suffit de rappeler que nous avons des défis à relever dans le domaine social, de l’éducation, de l’emploi, des inégalités,…
Au niveau économique, nous sommes à la fin d’un chemin qui a montré ses limites et nous sommes toujours à la quête d’un nouveau modèle, son choix est salutaire pour le devenir du pays ; et au niveau environnemental, nous avons un stress hydrique, une détérioration de l’environnement (déchets, littoral,..) qui nous fait perdre plusieurs points de PIB chaque année. L’opportunité est déjà là et les entreprises doivent rapidement se positionner. Epaulées par l’Etat, elles ont plusieurs gisements de croissance dans le digital, l’économie verte, l’économie sociale et solidaire, l’économie de la vie en somme. Or c’est à cette vie que tous les humains sont en train de s’accrocher et les entreprises sont des acteurs clés pour y arriver.

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