ALM : La reprise de la pêche, le 15 décembre dernier, s’est-elle faite sur avis scientifique de l’INRH?
Abdelatif Barrahou : L’autorisation a été effectivement faite sur avis de l’Institut national des recherches halieutiques (l’INRH). Nous nous étions engagés lors de la dernière réunion en novembre entre le ministère et les armateurs de procéder aux évaluations scientifiques nécessaires pour évaluer l’état du stock. En septembre dernier, le niveau de la biomasse était si bas qu’il était impossible de fixer des quotas. Donc, vers le 15 novembre, l’INRH s’est décidé d’envoyer le bateau en campagne d’évaluation. Celle-ci s’est déroulée du 22 novembre au 11 décembre à minuit.
C’est suite à cette campagne et après calculs que nous sommes tombés sur un quota de 19 900 Tonnes, arrondi à 20 000 T.
Donc c’est par pur hasard que vous êtes tombés sur le même quota que celui de la dernière campagne?
Absolument. D’ailleurs, la campagne du printemps est différente de celle-ci. Théoriquement, la campagne d’automne est la plus importante. En temps normal, on a 20.000 T pour le printemps et 30.000 T pour l’automne. Mais du fait du non-respect de la matrice et du zonage, on est loin de ces chiffres. La surexploitation trouble le modèle. Ce qui a sauvé cette campagne, c’est la ponte importante enregistrée durant le printemps 2004. C’est pourquoi entre cette période et le mois de décembre, il y a eu recrutement important, c’est-à-dire maturité des juvéniles.
La biomasse enregistrée durant le mois de décembre est le triple de celle correspondant au mois de septembre. En comparaison, en 2003, le niveau de biomasse était si bas que nous avons été contraints d’observer 8 mois et demi d’arrêts biologiques.
Est-ce que les arrêts biologiques sont vraiment efficaces ?
Oui en période de crise. Mais si le stock est en bon état et s’il y a un bon plan de gestion, les arrêts biologiques peuvent être réduits à un maximum de deux mois. Je peux dire que l’effort de pêche doit à tout moment être en adéquation avec l’état de la ressource.
Or, depuis 1989, l’INRH a dit que l’effort de pêche est 40% au-dessus de la normale pour les céphalopodes, le poulpe en particulier. Aujourd’hui, les choses n’ont pas changé. Nous sommes à un taux de sur-pêche de 50%. Il faut impérativement pousser les armateurs à respecter la fameuse matrice pour préserver les ressources.
Qu’est-ce que cette matrice recommande donc de si particulier aux opérateurs ?
En gros, et c’est très important, la matrice veut réduire la pêche artisanale à 2 500 barques. C’est une décision socialement difficile, compte tenu qu’il y a actuellement 6000 à 7000 unités en activité. D’ailleurs, en attendant de désigner ces 2 500 barques sur la base de certains critères (dont l’ancienneté), le ministère n’a pas encore autorisé la pêche artisanale à reprendre la mer.
Quant à la pêche côtière, elle devra passer de 300 à 100 unités. Pour la pêche hauturière, qui revendique l’ancienneté par rapport aux deux catégories précitées, il ne sera pas facile de faire baisser leur nombre. Mais en définitive, grâce à la politique des quotas, individuels et transférables au sein de la même société, d’un bateau à l’autre, un armateur qui dispose de 10 bateaux par exemple, préfèrera économiser sur le coût et le carburant, en envoyant un nombre réduit en mer, du moment qu’avec cent ou un seul bateau, il ne peut pas dépasser la limite impartie.
L’INRH a-t-il les moyens de sa mission ?
Notre rôle est consultatif. Nous donnons nos rapports au ministère de tutelle, lequel décide en tenant compte de la dimension socio-politique et de divers facteurs. Je peux dire que le rapport de l’INRH a toujours inspiré les décisions ministérielles à une seule exception près. Nous sommes totalement indépendants.
Certes, nous n’avons pas tous les moyens pour réaliser toutes nos missions, mais nous sommes dans une bonne moyenne dans la sous-région. Nous sommes actuellement 350 personnes dont 200 scientifiques et 50 navigants affectés dans nos deux navires de recherche, qui sont le Chérif Idrissi spécialisé dans la pêche au chalut et l’Amir Moulay Abdallah dans la pêche pélagique.
L’INRH se compose de trois Centres régionaux à Agadir, Laâyoune et Dakhla et deux centres spécialisés, notamment à M’Diq.
La coopération internationale nous aide beaucoup. Pendant le dernier trimestre 2004, trois bateaux étrangers (un Espagnol, un russe et un norvègien) étaient à pied d’oeuvre aux larges des côtes marocaines.
L’aquaculture, l’une de vos missions, peut-elle sauver le poulpe?
Les Espagnols font actuellement des essais sur le poulpe. Les résultats sont encore au stade expérimental. Rappelez-vous que pour la daurade, il a fallu vingt ans de recherches.
Les Japonais nous aident beaucoup dans le domaine de l’aquaculture.
Le Maroc travaille sur deux domaines : les poissons et les coquillages. L’INRH préside le Réseau africain des institutions de recherches halieutiques et des centres de la mer. Cet organisme réunit entre 22 et 24 pays du Maroc à la Namibie.
Lors de la dernière réunion tenue à Dakar en janvier 2003, nous avons proposé à ce que le Centre d’aquaculture de M’Diq, qui a acquis une grande expérience dans le cycle de reproduction complet de certaines espèces, soit élevé au rang de Centre régional.