Economie

Préserver l’authenticité du Maroc profond

De leur regard distrait, presque indifférent, des enfants en bas âge, voient passer des voitures chargées de ces visiteurs au teint pâle et qui essayent, dans un ultime effort, de négocier les derniers monticules pour s’arrêter dans une sorte de parking de fortune, en face d’une haute muraille, ceinturant une demeure aux apparences très anodines. Une indication minuscule sur une petite plaque en cuivre indique discrètement qu’il s’agit de la résidence "Tigmi" qui signifie en patois local la maison. Pour la plupart des gens, le nom ne dit pas grand-chose. Pourtant, sous ce label sobre se cache toute la magie d’un espace aménagé pour servir de véritable exemple d’un tourisme rural qui commence à s’imposer de plus en plus comme un produit de haut standing, susceptible de donner, dans les années à venir, une autre dimension au tourisme national. Ancienne demeure de Issa Ben Abderrahmane Abou Mehdi en 1840, grand juge de la tribu de "Sougtana", cet espace qui s’intègre merveilleusement dans son environnement séduit de prime abord par cette belle harmonie entre le naturellement rustique et cette touche discrète, mais combien évidente d’un savoir-faire hautement professionnel.
Ici, la notion du "Maroc profond" prend, au grand dame de tous les clichés réducteurs, toute son authenticité. A travers cette sobriété savamment recherchée, la résidence s’apparente, dans son aspect matériel, à un musée qui conserve, au-delà de ses aspects matériels, l’image authentique d’un mode de vie qui avait son charme.
Véritables tavernes d’Ali Baba, les sept suites de cet établissement touristique, pour le moins atypique, sont, de par l’austérité impressionnante de leurs meubles et la vétusté raffinée de leurs quincaillerie, l’exemple d’une  parfaite symbiose entre les facteurs temps et espace. Tapis aux motifs merveilleusement simples, tables taillées dans du bois brut, lits en fer forgé, toiles réalisées par des artistes locaux, bougeoirs et  autres articles en cuivre. Le tout empreint d’un naturel qui a tendance à disparaître.
Seule présence incongrue au milieu de ce décor fascinant, un poste de télévision pour les accrocs de l’image, une mini-chaîne stéréo débitant des chansons anglaises et une bibliothèque où le touriste peut s’abreuver à satiété. Avec ses terrasses ouvertes directement sur la chaîne enneigée du Haut Atlas, ce havre de paix offre aussi à ses clients, majoritairement anglais, une vue féerique sur la plaine d’oliviers qui s’étend en aval et à perte de vue. La réalisation de ce projet qui commence à susciter de l’intérêt dans les milieux professionnels à Marrakech est le fruit d’une aventure lancée il y a quatre ans par un investisseur britannique qui a parié sur cette formule de tourisme rural. Néanmoins, si la ville de Marrakech est connue à l’échelle internationale par l’étendue et la diversité de son produit touristique, ses régions le sont moins, surtout par les professionnels marocains, et leur potentiel demeure cependant sous-exploité.
Ces nouveaux lieux de villégiature, conçus dans un esprit de concordance entre les particularités matérielles du terroir (construction en argile, usage de matériaux à l’état brut, respect des exigences de l’intimité et du bien-être) drainent de plus en plus de touristes en quête d’un cadre original autre que celui offert par les grands palaces de Marrakech. Cheville ouvrière de ce projet qui risque de faire école dans les années à venir, son jeune directeur, M. Anas El Bouamri a confié à la MAP qu’ il s’agit là d’une affaire qui tourne plutôt bien puisque, a-t-il dit, le taux de retour, véritable indice de réussite de tout projet touristique, a atteint 55% en 2004.
Ce taux, prédit-il, pourrait avoisiner les 70% en 2005. Pour ce jeune professionnel, l’apport du tourisme rural s’étend au-delà du seul secteur touristique pour constituer un véritable palliatif pour les populations rurales, surtout en périodes de sécheresse. En fait, la résidence fonctionne avec une main-d’oeuvre cent pour cent locale formée sur le tas .Une formation qui consiste en l’acquisition de connaissances rudimentaires en matière d’accueil et de service, la spontanéité et le naturel étant les seules exigences de la maison, précise M. El Bouamri.
Le défi que l’établissement s’est fixé étant de favoriser la notion de "guest and host" et non celle d’une relation "client-employé ". Il s’agit là, ajoute le jeune directeur, d’un produit touristique dont les retombées socio-économiques bénéfiques sont évidentes, dans la mesure où il permet le "désenclavement de régions déshéritées" en plus de son rôle incontestable à faire connaître les fortes potentialités touristiques dont disposent ces régions. Toutefois, remarque-t-il, pour assurer un développement qualitatif du tourisme rural, sans pour autant affecter l’authenticité et la simplicité de la  vie en milieu rural au Maroc, plusieurs mesures doivent être prises, à commencer par une cartographie exhaustive de tous les sites présentant un intérêt pour le tourisme rural, et l’adoption de nouveaux outils de communication et de promotion d’un produit touristique mixte. Pour lui, la concrétisation des objectifs de la vision 2010 ne se fera pas seulement à travers l’augmentation de la capacité des unités hôtelières en lits  et l’ouverture de l’espace aérien du Maroc, mais aussi par la diversification des produits touristiques nationaux, en y incluant le tourisme rural en tant que  "seul élément susceptible de donner plus d’originalité au tourisme national et drainer des millions de curieux désireux de découvrir ce Maroc profond avec sa pluralité culturelle et ses richesses naturelles". Dans ce cadre, M. El Bouamri a estimé nécessaire l’intégration de la ville de Marrakech et son arrière-pays dans un seul produit touristique, permettant d’attirer un plus grand nombre de visiteurs dans cette région aux riches potentialités touristiques.

• Samir Lotfy (MAP)

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