Société

Chbaâtou tel qu’en lui-même

Apparemment, les habitants de Midelt n’aiment pas Saïd Chbaâtou. À croire que les manières de ce dernier les agacent au plus haut point. Et ils le font savoir. Par des jets de pierre. C’est le pire camouflet qui puisse arriver à un haut responsable. À deux reprises depuis le début de la campagne électorale, le ministre de la Pêche s’est fait “caillasser“ dans cette circonscription de 110.000 électeurs du Moyen-Atlas où il se représente comme tête de liste de l’USFP. Une circonscription de 3 sièges que se disputent rudement pas moins de 20 candidats. Le dernier incident est survenu, lundi 16 septembre, à Aït Ishak, entre le ministre et le candidat du PRD, Hassan Motahar. Selon certains témoins, ce dernier était à deux doigts de se jeter sur son rival et de le rouer de coups.
La première querelle, plus spectaculaire, s’est produite à Tounfit, le jour de l’ouverture de la campagne électorale samedi 14 septembre. L’intéressé a eu une prise de bec virulente avec Hahou Mahrou, un adversaire qui passe pour être une notabilité locale.
Cette passe d’armes verbale a vite dégénéré. Là aussi, il s’en est fallu de peu pour en arriver aux mains. Chbaâtou et son équipe, qui ont dû essuyer insultes et jets de cailloux, furent forcés de quitter les lieux et de retourner, toute honte bue, dans leurs voitures dont les vitres de certaines ont été cassées par des habitants en furie. Après s’être plaint auprès du gouverneur, Chbaâtou et ses agents reviennent le lendemain au même endroit. Cette fois-ci sous escorte de gendarmes pour soit-disant le protéger contre les agresseurs d’hier au cas où ils tenteraient de s’en prendre de nouveau à lui. C’est la lecture au premier degré à faire dans l’absolu de cette protection pour le moins exceptionnelle. Mais aux yeux des villageois du Maroc d’en bas où le gendarme inspire un immense respect mâtiné de crainte, cette situation renvoie à une autre sémantique en rapport avec le fond de la psychologie rurale marocaine: Chbaâtou qui arrive avec des gendarmes c’est qu’il est soutenu par l’autorité locale, voire même des autorités du pays. Puisqu’il est béni, c’est pour lui qu’on doit voter, pense-t-on. Allez-y leur enlever ça de la tête.
Député sortant élu en 1997 sous les couleurs du MNP dont il fut chassé par le vieux Amghar qui le connaît bien, ce natif en 1951 du douar de Boulajoul entre Zeïda et Itzer joue de son statut de ministre pour intimider l’opinion locale, marquer les imaginations et impressionner les petites gens.
Quand il fait campagne avec sa double casquette, on ne sait pas vraiment si c’est Chbaâtou le ministre ou Saïd le député qui est en action. Une confusion que l’intéressé nourrit sciemment avec l’arrière-pensée que ses interlocuteurs voient en lui le ministre du gouvernement Youssoufi. Or, il arrive que cette confusion se retourne parfois contre lui : pas naïfs du tout, certains habitants ont fait une juste interprétation de sa posture. Pour eux, M. Chbaâtou n’est intéressé par la députation que dans la mesure où elle lui permettrait de rempiler pour un nouveau mandat ministériel. Autrement dit, ils pensent que le candidat voudrait exploiter leurs voix tout en affectant qu’il est soucieux de leur sort et sensible à leurs problèmes. D’ailleurs, Saïd Chbaâtou ne dédaigne pas d’user et d’abuser de son pouvoir. Selon un habitant de la région, il a usé de son pouvoir de ministre auprès du département de l’Équipement en bloquant, environ cinq mois avant le début de la campagne électorale, les dédommagements que l’État devait verser aux habitants d’un patelin de près de 5.000 âmes du nom de Oumana Aït Ishak. En guise de compensation de l’expropriation de leurs terres sur lesquelles fut érigé le barrage Dchar El Oued (situé entre Beni-Mellal et Khénifra), inauguré l’an dernier. Objectif de la manoeuvre de M. Chbaâtou : pousser les personnes concernées à accourir vers M. Chbaâtou, le député ou le ministre, dans l’espoir de les aider à régler leur problème. Le sauveur. C’est ce qui arriva. Et le député, leur promet d’intervenir en leur faveur pour qu’ils touchent leur dû alors que la décision de les indemniser était publiée dans le Bulletin officiel de l’an dernier. En guise de reconnaissance, les riverains ont organisé, en juillet dernier, une fête en l’honneur de leur bienfaiteur. On a égorgé des moutons et engagé même une troupe d’Ahidous selon la pure tradition locale. Aujourd’hui, les Aït Ishak ne jurent que par lui. Résolus à donner leurs voix au député sortant. Cette tribu se refuse de croire que le ministre serait à l’origine du blocage de leur argent et qu’il aurait monté lui-même cette histoire d’opposition pour s’arroger le bénéfice politique de l’affaire en prévision des élections du 27 septembre.
Un membre du gouvernement, arborant un air triomphaliste, qui se rend dans une région démunie en cortège à la tête d’un convoi d’une vingtaine de véhicules de location après avoir utilisé avant le début de la campagne les moyens de l’État, cela ressemble a priori à un acte de provocation.
Les habitants des patelins avoisinants, qui constituent le gros des électeurs, se déplacent, en effet, à dos d’âne ou de mulet. Comme ces zones sont difficiles à atteindre, les candidats attendent que les habitants se rassemblent dans les souks comme à Krichen ou Aghabalou pour aller leur parler.
Un candidat confie sous couvert d’anonymat : “ Avec leur monture, les habitants viennent de loin pour nous rencontrer. La moindre des choses est qu’on les invite à déjeuner ou à diner, n’est-ce pas ? Or, le lendemain, les agents d’autorité nous accusent d’offrir des banquets pour les électeurs“. Il ajoute, indigné : “ M. Chbaâtou, lui, fait ce qu’il veut. Dans sa villa de Midelt, il invite qui il veut. Et personne pour lui reprocher quoi que ce soit“.
Un ex-compagnon de M. Chbaâtou explique : “Quand on sait qu’un groupe d’hommes comme M.M. Aouragh, Rahmani, Harrat et Benaïssa bénéficient des largesses du ministre en contrepartie d’une activité fictive, il y a de quoi se poser des questions“. Et quelles questions !

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