Tout au long de l’année 2024, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) organisera différents événements en mémoire de la création de l’Instance équité et réconciliation. Cette instance a constitué, en effet, l’un des tournants les plus marquants de l’histoire du Maroc. Au siège du CNDH à Rabat, une exposition inédite de photos raconte les différentes phases franchies par ce Comité. ALM s’est rendu sur place le 19 mars 2024.
Les pages les plus sombres de notre passé collectif font partie intégrante du chemin de la construction de l’Etat de droit. Le Maroc assume tous les chapitres de son histoire, d’où le devoir de mémoire après deux décennies de la création de l’Instance équité et réconciliation (IER). En effet, il y a 20 ans le pays a fait le choix courageux de la réconciliation écrivant ainsi une nouvelle page dans le rapport entre le pouvoir et le peuple. Pour illustrer cette phase importante, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a consacré une exposition inédite de photos au sein de son siège à Rabat. Ces images fortes racontent les différentes étapes de ce cheminement qu’a mené l’IER. L’ordre placé des photos permet au visiteur de voyager dans le temps et de réaliser l’émotion ressentie par les victimes, leurs familles et les personnalités ayant recueilli leurs témoignages. Au total, 74 clichés sont exposés.
Séances d’écoute : «Tout est répertorié»
Dès l’entrée de l’espace d’exposition on découvre des photos riches en émotion. Ce voyage dans l’histoire récente du Maroc commence par une photo prise le 7 janvier 2004 immortalisant le moment où Sa Majesté le Roi a accueilli les membres de l’Instance. Une autre image puissante présente dans cette exposition est celle où on voit le Souverain réunit les familles des victimes au Palais Royal marquant de par sa symbolique la transition démocratique du Maroc. Le visiteur découvrira aussi des images du siège historique de l’Instance, des réunions des membres de l’IER ainsi que les photos des différentes séances d’écoute individuelles effectuées en toute intimité avec les victimes. Dans cette exposition, le visiteur découvrira aussi le logo de l’IER illustré dans une peinture réalisée par une ancienne victime. Cette toile symbolise un tournesol faisant ainsi référence à la recherche de la lumière et de vérité. Dans ce voyage temporel fort en rebondissements, on retrouve une photo des membres de l’Instance avec l’avocat de Mehdi Ben Barka. «Cette affaire fait partie des dossiers les plus épineux sur lesquels a travaillé l’Instance équité et réconciliation. Toutes ces photos dévoilent le travail sans relâche nuit et jour de l’Instance», relève Abdelhak Moussaddak, coordonnateur du Comité de suivi des recommandations de l’IER. Cette exposition met en avant aussi une photo de Derb Moulay Cherif, l’une des plus grandes prisons ayant abrité des détenus du début des années 60 jusqu’au début des années 90 et dont la fermeture est survenue en parallèle avec la création du Conseil national des droits de l’Homme en 1991. L’Instance organisait aussi des rencontres dont certaines traitaient la littérature carcérale. D’ailleurs, les archives du CNDH comptent actuellement 250 ouvrages (1969-2024) réalisés sur cette thématique. Ce parcours en photos dévoile aussi des clichés inédits des séances d’écoute publiques diffusées en direct par les chaînes de télévision à l’époque. Ces photos sont prises dans différentes régions du Royaume, notamment dans les localités les plus éloignées comme Errachidia ou Figuig. Comme le précise M. Moussaddak, tout le travail de l’IER a été enregistré. Ainsi, 3.000 vidéos des séances d’écoute sont répertoriées dans les archives et sont actuellement en cours de numérisation. De plus, 23.000 décisions arbitrales du Comité de suivi sont disponibles et soigneusement préservées.
Un mémorial sera inauguré à Tazmamart avant la fin de 2024
Le travail de l’IER consistait à rétablir la vérité. «Il y a des familles qui ont perdu des personnes proches dans différentes circonstances et dont le sort était resté inconnu comme les personnes ayant été transférées à Tazmamart», explique M. Moussaddak. Actuellement, le site de Tazmamart est en cours de réhabilitation et devra être inauguré avant la fin de l’année 2024. Ainsi, un mémorial y sera mis en place où seront mis en exergue les récits des victimes et les cellules de détentions. Une partie de cette exposition installée au siège du CNDH révèle aussi des images faisant suite aux événements sociaux comme ceux de Casablanca de 1981. On y voit d’ailleurs sur une des photos exposées une fosse commune réhabilitée où les victimes ont été enterrées. D’autres images montrent également des tombes individuelles des victimes ayant succombé à la suite d’autres tristes événements.
«Cette exposition de photos tente de mettre en avant le travail qui a été effectué par l’Instance équité et réconciliation et qui a été créée le 7 janvier 2004 à Agadir. A partir de ces images on voit bien tout le travail qui a été réalisé dont les réunions, les rencontres avec les victimes. Une partie des photos met en exergue les auditions publiques qui ont été faites en 2005 à travers 7 villes du Maroc. On y découvre aussi les séances thématiques organisées par le CCDH (…). On y trouve également des images du Comité de suivi et les efforts faits sur la question de la mémoire et du rétablissement de la vérité», souligne M. Moussaddak. Cette exposition rend également hommage aux personnalités ayant contribué à cet effort à travers des clichés rares. L’objectif étant de sensibiliser les jeunes générations sur l’histoire récente du Maroc. « L’importance de cette exposition réside dans le fait de transmettre aux nouvelles générations cette histoire. Et donc durant cette année on accueille des jeunes pour qu’ils puissent découvrir une partie de l’histoire de leur pays », conclut M. Moussaddak. A noter que cette exposition ainsi que d’autres manifestations sont organisées tout au long de l’année 2024 à l’occasion du 20ème anniversaire de la mise en place de l’Instance équité et réconciliation.
