Société

Zoom : Le Canada n’est pas l’éldorado

Le Canada. est le pays qui fait rêver. Les possibilités de s’y installer et de s’y épanouir sont nombreuses. Et plusieurs milliers de marocains ont déjà fait ce choix. À partir des années soixante et soixante-dix, un flux important d’immigrants marocains est venu s’installer au Canada. Pour le grand bonheur des cabinets de conseil en immigration, de plus en plus nombreux. L’appartenance commune à l’espace francophone et la présence au Canada d’une communauté marocaine estimée à quelque 60 000 individus. Il s’agit de la plus importante communauté d’origine maghrébine au Canada, même si la situation de « guerre civile » que connaît le voisin algérien a fait que des flux migratoires considérables ont eu lieu à partir de ce pays. Jusqu’à présent, ce sont les programmes d’aide et d’immigration qui constituent le fondement de la relation bilatérale. Et ça marche ! De plus en plus de jeunes, et moins jeunes, n’ambitionnent que de plier bagage et …partir. À la différence près que la majorité écrasante des candidats est constituée de hauts diplômés, de cadres ayant déjà une situation que beaucoup de leurs concitoyens leur envieraient. On est loin de ces jeunes oisifs, sans emploi ni formation qui s’embarquent dans des pateras vers un inconnu, somme toute, préférable à la pauvreté. Etonnant! Ce qui l’est encore plus, c’est la vague non de départ vers cet immense pays mais celle de retour. Plusieurs de ceux qui ont un jour choisi de partir sont revenus sur leur décision. Les plus malins, ou patients ont su attendre jusqu’à ce qu’ils aient leur «citoyenneté» canadienne. Quelque 3000 Canadiens vivent actuellement au Maroc. Le chiffre paraît moins énorme lorsqu’on s’intéresse aux origines de ces marocains. Plus de 90% d’entre eux sont d’origine marocaine et possèdent la double nationalité. Cela veut tout simplement dire que ce sont des gens qui ont séjourné pendant au moins 3 ans dans ce pays pour ensuite rebrousser chemin. D’autres n’ont pas eu cette patience. Khalid B (à la demande des intervenants, les noms ont volontairement été changés), est un haut fonctionnaire qui a décidé à l’âge de 31 ans, de quitter son poste, sa famille et son pays vers des lendemains enchanteurs. Les raisons invoquées ne diffèrent guère de celles de tous les Marocains : sous-développement, corruption, clientélisme, manque de visibilité. Des éléments qui font le quotidien de tous mais que certains ne supportent tout simplement plus. Et Khalid en fait partie.  « J’avais l’impression de vivre dans une société décadente où les valeurs n’avaient pas de sens. La peur que cette, soit-disant, stabilité politique et sociale n’en vienne à prendre fin, la montée des islamistes aidant, me terrifiait. Je devais partir », explique celui qui, moins de quatre mois après, est rentré au Maroc, non sans quelques séquelles. Le choc a été brutal. « Au Maroc, je me considérais comme étant bien formé. Une fois là-bas, je passais pour un illettré ». L’honnêteté de cette déclaration jure certes avec le bac+6 que détient Khalid mais elle en dit long sur la qualité de la formation au Maroc. Et les immigrants ne sont généralement pas à la fleur de leur âge. Tout reprendre à zéro est pénible. Il est encore plus quand il faut survivre dans un environnement où les possibilités d’embauche ne manquent pas mais où l’on ne reçoit pas de cadeaux. Amina avait 38 ans quand elle a déposé sa candidature d’immigration. Riche d’un doctorat en ingénierie informatique décroché en France, et parlant à la perfection français, anglais et espagnol, tout lui était payé par le plus grand Office du Maroc, où elle a été recrutée sur-le-champ : appartement, voiture, voyages…Une vie bien paisible où elle ne manquait de rien, sauf de raisons valables pour rester au Maroc. « La routine dans laquelle je plongeais m’étouffait. Je manquais de motivations. Je n’avais d’autre choix que de partir. Le Canada, j’y suis allée en touriste. J’ai été charmée par le dynamisme d’un pays en lutte perpétuelle avec un hiver glaçant » déclare-t-elle. Mais une fois là-bas, il fallait faire face à une dure réalité. Amina a dû échanger son confort acquis contre un studio composé uniquement d’une pièce. D’un poste de rêve au Maroc, elle s’est vue, grâce à sa maîtrise des langues étrangères, télé-opératrice pour une clientèle hispanophone, et payée au SMIG (1000 dollars canadiens n’équivalant pas plus de 7000DH). Déterminée, elle n’envisage pas de rentrer. «Pas tant que je n’ai pas eu mes papiers», précise-t-elle. Son regard perçant réussit pourtant mal à cacher sa nostalgie et sa déception, elle qui voulait reprendre ses études mais qui a dû revoir ses ambitions à la baisse et qui vit dans une consternante solitude. Idem pour Mustapha, ex-employé d’une grande banque de la place casablancaise (salaire : 20 000DH), avec des études d’ingénierie effectuées également en France. Mustapha, 35 ans, fait partie de ces marocains qui aiment vraiment leur pays. Le rencontrer, c’est se préparer à mille et une questions, pleines de préoccupation quant à l’avenir de l’expérience démocratique marocaine sur « El Maghrib », un mot qu’il ne cesse de répéter. Combatif, il occupe un poste important au sein d’un géant mondial de l’informatique, pas seulement au Canada  mais dans le monde. Mais il ne rêve que de pouvoir retourner au pays. «Ce ne sera pas un retour définitif. Mes deux filles sont ici et elles se sont trop habituées au rythme de vie canadien. Et puis franchement, je ne pourrai plus supporter le bruit des klaxons. Je visiterai le Maroc dès que j’en aurai le temps», assure-t-il. En attendant, sa vie ainsi que celle de beaucoup de marocains de Montréal, principale destination, continuera son petit bonhomme de chemin, entre amas de neige, vide emplissant et silence assourdissant.

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