Chroniques

De toutes les couleurs : Les simples spectateurs

© D.R

Typiquement, les artistes pensent d’abord à ceux qui achètent leurs œuvres, aux galeristes qui aident à promouvoir leur travail et aux critiques d’art qui peuvent dire du bien de leur art, mais rarement aux simples spectateurs qui viennent regarder les œuvres pour le simple plaisir de les voir, sans intention de les acheter ou de les critiquer.
Alors c’est toujours la même vieille histoire, le peu de gens capables de produire de la richesse, ou d’aider à en créer, compte beaucoup plus que la multitude de simples spectateurs qui génèrent les vrais sentiments – que ces sentiments soient du plaisir esthétique, clair ou ambigu, ou même du dégoût!
On pense que le spectateur typique approche une œuvre avec son propre ensemble d’outils de jugement, intellectuels, politiques, historiques ou autres, et que, s’il ne trouve pas ce à quoi il s’attend, ou encore la confirmation de ce qu’il connaît déjà, il rejette l’œuvre comme hors de propos et passe à la suite, se privant lui-même d’une toute nouvelle expérience potentielle.
Aujourd’hui, on a donc tendance soit à nier la présence du spectateur en prétendant qu’on pratique l’art pour l’art et pas pour les autres, soit en présentant le spectateur comme faisant partie de l’œuvre, en l’absorbant et en le faisant pénétrer dans son univers.
L’artiste «authentique» qui peint  pour lui-même ainsi que l’artiste commercial qui peint pour les collectionneurs ne s’occupent généralement pas des simples spectateurs. D’un autre côté, certains artistes qui craignent que ces derniers n’arrivent pas à comprendre leurs œuvres, font tout pour rendre ces dernières encore moins compréhensibles par des commentaires ou des écrits qui dispersent le spectateur. Du coup, le spectateur ne se contente pas d’admirer l’œuvre comme un objet inerte, il l’examine, et s’y promène. L’artiste dont les œuvres sont ambiguës, suggestives ou qui ne sont pas explicites, n’ignore pas le simple spectateur, il le fait entrer dans son œuvre, le privant de son statut de spectateur neutre. Ainsi, ce dernier ajoute sa contribution à l’acte de création en y mêlant ses sentiments et en faisant aussi appel à sa mémoire sensorielle, sa conception de l’art, sa réceptivité, son jugement et son histoire personnelle.
Mais l’œuvre réussie est celle capable de créer un authentique et libre sentiment d’intérêt chez le spectateur. D’après Kant, le sentiment que le spectateur éprouve devant une œuvre n’est pas le résultat d’un travail spirituel mais relève de la seule sensibilité. Ces simples spectateurs, qui viennent contempler les œuvres d’art et leur donner vie, représentent souvent l’extrême majorité des gens qui les observent et lesv.Leurs opinions individuelles ne sont peut-être pas très importantes, mais leurs sentiments, multipliés par leur nombre les rend déterminants.

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