Chroniques

Label marocanité : dérapage incontrôlé

Le débat sur l’identité nationale tourne en France à la bérézina. La gestion bureaucratique (par les préfets et autres fonctionnaires) d’une question, à laquelle siéraient mieux les amphis de la Sorbonne ou les locaux du Collège de France, réduit le débat, par manque de rigueur intellectuelle, à une foire d’empoigne. Les dérapages, grâce aux mitigeurs des émotions, fonctionnent à plein régime. Dans un tel contexte, la tribune du président Sarkozy, dans un grand quotidien parisien, peut se concevoir comme une tentative de calmer le jeu et de ramener un peu discernement.
Ce n’est pas, comme le diraient certains, une affaire d’arroseur arrosé ou de pompier pyromane. Mais d’évidence, ce débat est le type même de bonne fausse idée. Il n’est pas étonnant qu’on arrive à cette situation dès lors qu’on a commencé par commettre la bévue de créer un ministère de l’Identité nationale. L’identité n’est ni une affaire de décret ni une question de circulaire. L’enfermer dans l’étroitesse d’un maroquin ministériel est une agression au bon sens.
Ce n’est pas par hasard si le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre de cette opération, Nicolas Sarkozy et Eric Besson, soient tous deux sensibles aux questions identitaires. Le premier, président de tous les Français, a un père d’origine hongroise, né en 1928 à Budapest. Le second, ministre de la République, n’a pas connu son père, mort pour la France dans un accident dans l’armée de l’air où il était instructeur. Il est né à Marrakech d’une mère d’origine libanaise. Il fera ses études au Maroc, comme immigré de l’intérieur bercé par une France lointaine et exaltée et ce jusqu’à l’âge de dix-sept ans. Tous deux sont connus pour avoir des ambitions dévorantes. Tous deux ont vécu des divorces quelques peu chaotiques. Enfin et c’est remarquable, tous deux ont vécu l’expérience de la traîtrise de leurs camps respectifs. La traîtrise, en politique, c’est l’interdit suprême. Vivre l’expérience de l’opprobre et sous les huées de ses propres amis peut tuer ou délivrer de toute inhibition. Est-ce un hasard si, durant la campagne électorale, c’est Eric Besson qui, pour le compte du Parti Socialiste, portera le fer le plus mortifiant contre Sarkozy en se posant la question si la France était prête «à voter en 2007 pour un néo-conservateur américain à passeport français?» Le candidat Sarkozy a vécu cela comme un procès d’intention identitaire. Et Besson a dû s’excuser bien avant de rejoindre, en pleine campagne, le camp adverse.
Le débat sur l’identité recelait grossièrement la question de l’immigration. Il bifurque maintenant sur la question religieuse. C’est autrement plus sérieux. Une maxime marocaine prévient : «Celui qui fait une chose avec sa main, doit la résoudre, en cas de problème, avec ses dents».

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