Editorial

Quarante-huit heures dans la vie de Colin Powell

© D.R

Colin Powell considère, dans une interview donnée au magazine américain GQ , que l’îlot Leïla-Perejil est une « petite île stupide ». Il aurait passé deux jours « rien qu’à travailler à ce problème de rocher ». Cette lecture, un peu courte, de l’affaire qui aurait pu basculer en un affrontement direct, le 11 juillet 2002, entre le Maroc et l’Espagne, est pour le moins déconcertante.
On connaît M. Powell. C’est, incontestablement, le plus doué des militaires américains. Cela veut tout dire. On connaît également son aversion pour la guerre. Il les fait à reculons. Et l’on salue aussi sa volonté, affichée, même s’il capitule souvent, en rase campagne, devant les ultras de Bush, de chercher, par des voies pacifiques et diplomatiques, des solutions aux nombreux problèmes que son pays pose au monde. Mais, tout de même.
Est-ce que nous, nous avons dit que la guerre d’Irak était stupide ? Non, ce sont les faits qui l’ont démontré. Est-ce que nous, nous avons dit que la dissolution de l’armée irakienne était une bêtise ? Non, ce sont les nombreuses victimes américaines de cette sale guerre qui le constatent dans leur chair. Est-ce que nous, nous avons dit que la prison d’Abou Ghreib était un havre des droits de l’Homme ? Non, ce sont les images abjectes des sévices immondes qui y sont exercés qui font vomir le monde. Voilà, M. Powell, nous n’avons pas envie, mais alors pas du tout, de filer à l’infini de pauvres métaphores innocentes mais concédez-nous au moins le fait que nous n’avons pas le monopole de la stupidité. Et que sur ce chapitre, les états de service de l’Administration à laquelle vous appartenez sont assez solides.
Le rocher qui vous a accaparé pendant deux jours de votre vie est un territoire marocain. Nous autres, on dit toujours que pour un millimètre carré de notre pays, de notre souveraineté, nous sommes prêts à nous mobiliser, à combattre et à nous sacrifier. Nous sommes comme ça. Si vous voulez, comme les Irakiens. Nous refusons l’occupation. Que ce soit pour un pays ou pour un rocher cela fonctionne de la même manière. C’est toujours non. Et si l’inverse était juste un peu vrai, vous auriez eu moins de souci dans votre aventure irakienne. Car le problème de votre Administration, c’est de faire peu de cas de la souveraineté des autres. Et cela vous joue des tours dont, aujourd’hui, des Américains qui n’ont rien demandé à personne paient le prix fort. Nous le regrettons, pour eux, pour vous, pour l’Amérique, pour les prisonniers d’Abou Ghreib, pour les Irakiens, pour les sans droits de Guantanamo, pour les victimes de Ben Laden et pour tout le reste. Nous le regrettons aussi pour nous-mêmes. Mais de grâce si vous avez encore une fois, dans votre vie, la possibilité d’éviter un conflit en consacrant à sa solution 48 heures de votre vie, faites-le. On demandera alors à Dieu juste une chose, c’est qu’Il vous prête longue vie.

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