Auxiliaire d’autorité et voleur

Khouribga. La nuit était tombée quand Younes est entré hâtivement au commissariat de police. Essoufflé, il s’est présenté devant un élément de la brigade policière qui assurait la permanence. «Ils m’ont subtilisé l’argent», a-t-il balbutié.
Le policier tente de le calmer, il l’a conduit au bureau, a mis une chaise à sa disposition et lui a demandé de relater son histoire.
«Ils m’ont dérobé une somme de 840 mille dirhams…», a-t-il affirmé au policier.
Est-il vrai qu’il a perdu 84 millions de centimes ? Que faisait-il, vers 21 h, à la rue avec tout ce pognon à la main ? Étonnant! D’autres éléments de la brigade ont rejoint leur collègue pour entendre l’histoire de Younes. Selon sa version, il était à Casablanca en train d’amasser l’argent des clients de son oncle. Il a mis l’argent dans une sacoche et est retourné à Khouribga. Quand il est descendu de l’autocar et s’apprêtait à quitter la gare routière, il a croisé un ami. Ils sont rentrés, tous les deux, dans un restaurant. Après avoir dîné ensemble, ils se sont séparés.
Après moins d’une cinquantaine de mètres parcourus à pied par Younes, une Mercedes 240, de couleur bleu ciel, immatriculée au Maroc, s’est arrêtée devant lui. Younes a bondi de sa place tout en fixant le chauffeur. Ce dernier et la personne qui était à son côté sont descendus de la voiture, ont avancé vers lui. Brandissant deux couteaux, ils lui ont arraché la sacoche et se sont enfuis à bord de leur voiture. Younes est resté bouche-bée. Il ne savait ni quoi faire, ni quoi dire. Son ami, avec lequel il avait pris le dîner, l’a rejoint en un clin d’œil. Mais, il ne l’a pas accompagné au commissariat de police. Pourquoi ? Ce qui a intrigué les enquêteurs. Ils l’ont convoqué.
 «Quand j’ai entendu les crissements des pneus d’une voiture qui s’est arrêtée rapidement, j’ai tourné la tête pour voir ce qui se passe et j’ai remarqué deux gaillards qui attaquent mon ami avant de s’enfuir à bord de leur Mercedes 240…Je suis arrivé à noter son numéro d’immatriculation…», a-t-il déclaré. Formidable. Ce numéro a révélé que la voiture appartient à un gendre de l’oncle d’Omar, un auxilaire d’autorité au douar Ouled Mrah, prénommé Abdenbi. Est-il l’auteur du crime en compagnie d’un complice ? Ou bien sa voiture a été volée par des malfrats?
Abdenbi a été convoqué et a été soumis aux interrogatoires. «J’étais, le jour du vol dans à la ville d’Oulmès», a-t-il affirmé aux enquêteurs. Il a précisé en outre n’avoir pas voyagé à bord de sa voiture, mais via l’autocar. Et les tickets d’aller-retour ? Il disposait de l’aller, mais pas de celui du retour. Pourquoi ? «Je l’ai perdu», a-t-il justifié. Pour vérifier la véracité de ses dires, ces derniers lui ont dit qu’ils vont l’accompagner à Oulmès pour interroger les gens qu’il avait rencontrés lors de son séjour. Et Abdenbi a ajouté une autre déclaration : «J’ai prêté ma voiture à Mahjoub». Qui est Mahjoub ? C’est le frère du propriétaire de l’argent. Mahjoub a rejeté les accusations d’Abdenbi. «Je n’ai pas emprunté sa voiture», a-t-il affirmé aux enquêteurs. Une confrontation entre les deux a démasqué l’agent d’autorité.
C’est bel et bien lui qui a engagé les deux gaillards pour mettre la main sur les 840 mille dirhams. Ces derniers lui ont remis la sacoche, sans savoir son contenu. Il l’a enterrée ensuite dans un coin à proximité d’une maison abandonnée située au douar Jbala après avoir soustrait une somme de 2200 dirhams, pour payer les deux lascars. Dépêchés sur les lieux, les enquêteurs ont déterré la sacoche renfermant une somme de 837.800 dirhams.
Le mis en cause a expliqué aux enquêteurs qu’il a appris, par hasard, que Younes se rend de temps en temps à Casablanca pour amasser l’argent des clients de son oncle. Et il a décidé de le mettre dans ses filets en engageant deux jeunes malfrats du douar Ouled Mrah.