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Abdelaziz Adnane : «Nous comptons fermer la pharmacie de la CNOPS fin 2010»

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ALM : Les pharmaciens et les médecins viennent de rédiger un plaidoyer où ils revendiquent la fermeture urgente de la CNOPS. Que répondez-vous?
Abdelaziz Adnane : Appeler à fermer la CNOPS est irresponsable. La CNOPS c’est 2,7 millions d’assurés, 11 milliards DH de paiements, dont 4,2 milliards DH en remboursement d’assurés et 3,4 milliards de ressources financières, sans parler d’une histoire de 57 ans. Je crois que le plaidoyer est pour la fermeture de la pharmacie de la CNOPS dont la création remonte aux années 90 lorsque aucune officine n’était en mesure de prendre en charge l’achat des médicaments coûteux. Cette pharmacie sert actuellement environ 150 spécialités coûteuses qui ne sont pas disponibles dans les officines mais seulement au niveau des pharmacies hospitalières, ceci en l’absence d’une liste distinguant les médicaments devant figurer au niveau de ces pharmacies hospitalières et ceux au niveau des officines. Avec l’entrée en vigueur de l’AMO, la CNOPS devait se dessaisir de cette pharmacie en vertu de l’article 44 de la loi 65-00 à partir du 18 août 2008. La manœuvre aurait été simple si l’on ne s’était pas rendu compte que les prix de référence de ces médicaments sont parfois 3 fois plus chers que les prix d’acquisition de la CNOPS.L’impact de cette décision de 2009 à 2012 s’élève à plus de 360 MDH pour un poste qui a coûté à la CNOPS en quatre ans d’assurance maladie obligatoire 1,3 MMDH et 423 MDH rien qu’en 2009.

Comment comptez-vous sauvegarder vos équilibres budgétaires ?
Avant de fermer cette pharmacie, et nous comptons le faire fin 2010, nous avons mis en avant des exigences qui nous permettront de sauvegarder nos équilibres budgétaires. La première est que les prix de référence des médicaments coûteux s’alignent sur les prix de notre pharmacie que nous obtenons auprès des mêmes laboratoires à des seuils très bas sans forcer les négociations. La deuxième condition est que si les pharmaciens doivent gérer ces médicaments, leurs marges, et également celles des grossistes, ne doivent pas être ad valorem mais doivent être dégressives en fonction des médicaments et ce ; à l’instar de la plupart des pays dans le monde. La troisième condition est que tous les acteurs doivent s’investir dans un processus de maîtrise médicalisée des dépenses de soins à travers l’encouragement de la prescription du générique pour assurer la viabilité de l’AMO.

Pourquoi avez-vous décidé de n’acheter que des génériques ?
La CNOPS a anticipé et ses achats de médicaments au niveau de sa pharmacie seront uniquement en générique. Le princeps n’est acquis qu’en l’absence d’un générique correspondant. Nous avons à cet égard déclenché une série de rencontres avec les gros prescripteurs pour les inciter à promouvoir le générique. Nous avons adopté la même démarche avec quelques CHU et l’idée fait son chemin. Il y va de l’avenir de la couverture médicale de base. Donc, nous sommes pour le repli de la CNOPS sur sa fonction d’assureur maladie dans le respect de la loi 65-00. Nous sommes également pour des alternatives viables, soutenables et citoyennes.

En pratiquant cette politique d’achat centralisé, cela oblige les patients à se déplacer jusqu’à Rabat. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait donner la possibilité aux pharmaciens de distribuer les médicaments?
Nous parlons de médicaments destinés au traitement des cancers, des hépatites, de la sclérose en plaque, du sida, etc. Ces traitements sont extrêmement coûteux et la CNOPS les prend en charge à 100%. Il ne s’agit pas d’une vente de médicaments. Il s’agit d’une mise à disposition des médicaments aux assurés dans le cadre du tiers payant. L’objectif est social en premier car les assurés, dans le cas contraire, seront obligés de s’adresser directement aux laboratoires qui sont concentrés sur quelques villes pour acheter leur médicament et prétendre au remboursement de leurs frais à travers les mutuelles. Certes, le schéma est anachronique de voir des assurés faire des centaines de kilomètres pour avoir leurs médicaments et la CNOPS n’a aucune intention de continuer à gérer une prestation à laquelle elle n’est pas prédestinée. Toutefois, nous attendons l’issue des négociations entre les pharmaciens et le ministère de la Santé pour voir plus clair dans nos marges de manœuvres.

Pensez-vous que les pharmaciens accepteront une marge dégressive concernant les médicaments ?
Le prix du médicament est très cher au Maroc, comme l’ont attesté plusieurs études dont le rapport de la commission parlementaire. Ce poste consomme 47% de nos dépenses globales alors qu’il se situe à 20% dans plusieurs pays. La maîtrise de ce poste est un enjeu d’avenir car il est anormal qu’à l’heure d’une crise mondiale qui s’étend à plusieurs pays très proches de nous, le taux de pénétration du générique se situe au Maroc à 29% alors qu’en France, il est de 82%, et de 70% aux Etats-Unis. Le Glivec, un princeps destiné au traitement de la leucémie, coûte à la CNOPS plus de 25.000 DH alors que son générique est disponible à 3 000 DH. Il nous faut prendre de l’altitude d’abord pour appuyer le travail du ministère de la Santé qui a enclenché une dynamique de baisse de prix pour la première fois depuis plusieurs décennies. Il faut encourager les pharmacies hospitalières comme levier de distribution des médicaments coûteux et aller vers l’harmonisation du traitement fiscal des ALD et ALC. Pour les marges dégressives au niveau des officines, il me semble que les pharmaciens y sont favorables car ils vont récupérer des spécialités coûteuses qu’ils n’avaient pas l’habitude de commercialiser moyennant des marges certes symboliques mais assez conséquentes vu les prix de ces médicaments. Ceci renforcera le rôle du pharmacien qui reste un acteur de proximité et de conseil incontournable dans toute stratégie de prévention, de sensibilisation et de communication.

Ne pensez-vous pas qu’il faudrait qu’il y ait une harmonisation du remboursement maladie chez les deux caisses et l’étude d’une fusion entre la CNSS et la Cnops ?
Il n’y aucun dédoublement de cotisation des salariés et de l’employeur car la CNOPS gère l’AMO pour le secteur public et la CNSS pour la secteur privé. Je suis d’avis qu’il faut aller vers un régime unique d’assurance maladie obligatoire. En attendant, tâchons de garder l’actuel édifice en bon état sur le plan financier sans oublier d’améliorer davantage les prestations et la qualité des prestations. Je crois que l’alignement de la CNOPS sur le tarif national de remboursement pour les honoraires des médecins est un acte historique car en quatre ans, ce remboursement a été multiplié 6 fois. La CNOPS et la CNSS sont donc dans une dynamique progressive d’amélioration des prestations et l’heure est à la consolidation des acquis et de la pérennité du régime.

La cotisation mensuelle à la CNOPS est de 400 DH. Il faudrait une harmonie en fonction des salaires. Qu’en dites-vous ?
L’étude actuarielle réalisée par la CNOPS en 2004 avait préconisé une cotisation déplafonnée de 6% répartie à parts égales entre l’assuré et l’employeur et révisable chaque 3 ans. Le scénario retenu est une cotisation de 5% répartie à parts égales entre le salarié et l’employeur avec un seuil minimal de 70 DH et maximal de 400 DH. Après 5 ans d’assurance maladie obligatoire, la CNOPS sent de plus en plus les augures du déficit poindre à l’horizon de 2013 pour des raisons liées au vieillissement de la population, le départ volontaire, le poids des ALD, la pression sur la consommation des prestations, le risque afférent au basculement des assurés des mutuelles et caisses internes vers la CNOPS en vertu de l’article 114 de la loi 65-00, etc. La CNOPS sera obligée, suite à un bilan actuariel réalisé en interne, de recourir à ses réserves de sécurité pour se maintenir à flots jusqu’à 2019. Cette situation, qui pourrait rassurer, risque vite de changer si l’on prend en compte les dernières propositions tarifaires d’une partie des producteurs de soins dans le cadre des négociations de la convention nationale. A adopter les tarifs proposés, le déficit sera déclenché dès 2010 et la CNOPS aura de sérieuses difficultés d’équilibre budgétaire dès 2014.

Le déplafonnement constitue-t-il une piste ?
Le déplafonnement est une piste pour avoir plus de ressources à affecter aux prestations, ceci sans oublier que la CNOPS a réduit ses frais de gestion de 2,5%, soit 85 millions DH pour les affecter aux prestations. Il n’en demeure, face aux enjeux de viabilité de l’AMO, la CNOPS a proposé à ce qu’une commission interministérielle se penche sur l’avenir de l’assurance- maladie, ses marges d’extension et les leviers pour assurer sa viabilité en matière de maîtrise médicalisée des dépenses de soins et de gestion du risque.

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