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Benamour : «Changer le système électoral»

© D.R

ALM : Que pensez-vous du dernier remaniement ministériel ? Représente-t-il une cassure avec Jettou 1 ?
Abdelali Benamour : Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une quelconque cassure. Je dirais plutôt qu’il y a un changement dans la continuité. C’est même un changement « technique » intéressant dans la mesure où les partis qui se trouvent au gouvernement sont dépassés par les événements. Donc, ça ne peut être qu’un plus par rapport à Jettou 1. Cependant, ce n’est pas un changement profond. C’est mieux, sans pouvoir dire que nous allons nous trouver devant une équipe nouvelle, homogène, capable de mener sa mission comme il se doit. Jettou ne pouvait pas faire mieux face à l’éclatement du champ politique national comme on a pu le constater suite aux élections. Le meilleur parti a récolté 12 à 13 % des voix !! avec un tel « taux », que pourrait-il faire. Donc, dans les circonstances actuelles, ce qu’a fait Jettou est le maximum à pouvoir faire? Il faut changer le système électoral. C’est un peu dommage de se trouver devant une telle situation parce que Driss Jettou a pu quand même réunir des compétences, il a une volonté réelle de faire quelque chose. Et son gouvernement compte bien de personnes volontaristes que ce soit parmi les technocrates ou parmi les ministres issus de partis politiques. Malheureusement, le champ politique est tellement effrité que l’Etat doit intervenir.
Le premier constat à l’issue du remaniement est le cas du RNI, qui semble avoir fait les frais en laissant sur la touche quatre ministres « militants » remplacés par trois qui ne sont en fait qu’étiquetés RNI. Qu’en dites-vous ?
D’abord, je vous dis tout de suite que je ne raisonne jamais en termes de personnes. Il y a des compétences qui partent, des compétences qui viennent et des compétences qui restent toujours à l’extérieur. En effet, le RNI aurait pu présenter des compétences du parti. Mais peut-être qu’on a estimé qu’il fallait du sang nouveau, je ne peux me prononcer avec exactitude sur les raisons de cette situation. Le RNI est peut-être victime d’un certain déficit. C’est un parti qui s’est forgé une place sur la scène politique nationale, il n’en demeure pas moins qu’il souffre en matière d’encadrement. Sur ce point, il n’y a pas que le RNI. Plusieurs partis politiques souffrent du même mal. C’est le résultat de la non-adhésion des élites politiques dans les partis.
Cela pousserait à se demander quel serait le rôle de ces partis dorénavant, puisque le tableau est si morose ?
On tourne toujours dans le même cercle vicieux. Le pays a besoin d’un nouveau souffle d’orientation politique. Avec la monarchie constitutionnelle, il est possible de pousser les partis politiques vers la bonne voie dans un environnement de réformes. C’est un « tout » qu’il faut remettre en cause pour aboutir vers un système politique digne des aspirations affichées de part et d’autres.
Le champ politique doit être recomposé, je le répète depuis une dizaine d’années. Quand la situation est bloquée quelque part, cela ne peut se dégager que par des réformes. SM le Roi est le garant de l’unité nationale et de la sécurité nationale et chef de l’autorité religieuse, mais il ne peut quand même pas jouer le rôle de tout un chacun. Autrement dit, le Souverain ne peut être en même temps leader, coordonnateur, etc.
La monarchie est le principal vecteur de la démocratie dans la mesure où elle peut interpeller les partis pour la recomposition du champ politique. Cependant, le Premier ministre doit quand même avoir un champ d’action, en s’impliquant effectivement dans la gestion économique, sociale avec une cadence communicationnelle plus fréquente à travers les médias publics, bref, un rôle réel de Premier ministre.
Comment expliquez-vous que l’UD a décliné l’offre de M. Jettou? Serait-ce un indice du début de la fin de la Mouvance ?
C’est ce que je me permettrai d’appeler des petites analyses. Pour moi, il existe trois courants qui traversent la société marocaine. Le premier est conservateur (musulman démocrate…), et il est incarné par le Parti de l’Istiqlal. Malheureusement, ce dernier semble estimer que c’est une honte que d’être conservateur. Ce qui a permis au PJD d’occuper ce terrain mais dans un tout à fait autre contexte.
Le second est socialo-progressiste qui englobe l’USFP, le PPS et la gauche en général. Mais ceux–là aussi n’arrivent pas à trouver la sortie pour se réunir en fin dans un seul courant de gauche. Je dénote que les deux premiers courants restent citadins.
Le troisième, c’est le courant ruraliste. Là aussi malheureusement la Mouvance n’arrive pas à trouver un terrain d’entente entre ses composantes. Il a des gens qui préservent farouchement cet « héritage» de leadership qu’ils maintiennent depuis l’indépendance, et comptent garder la main mise sur cet héritage au détriment de tout le reste. Des gens qui usent encore de réflexes à l’ancienne.
Cette Mouvance contient des gens qui ont des affinités avec le premier courant et d’autres avec le second. C’est-à-dire qu’après quelques années, quand il n’y aura plus de problèmes dans les zones rurales, elle n’aura plus lieu d’exister.

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