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De l’arnaque à la matraque

Tout à coup, c’est la bastonnade. Les coups tombent dru et en rafale dans une confusion totale. Les cris d’effroi se mêlant aux hurlements de douleur fusent dans la nuit noire. Les échines ploient sous la force du bâton. On fuit à hue et à dia pour échapper à une matraque déterminée et au jet-d’eau anti émeutes. Ce fut un save-qui peut général. Qui s’est blessé la cheville, qui a eu la tête endolorie, qui s’est fracturé un bras… Un spectacle désolant. La charge policière était d’une rare violence. Le sang a giclé aussi. Le printemps marocain a resplendi cette nit-là de tous les tons de la répression.
Il est 20 heures 30 environ, ce mardi 11 mars quand les services de l’ordre (police, militaires, CMI et forces auxiliaires) sont intervenus brutalement pour disperser le sit- in de protestation des victimes d’Al Najat devant le Parlement. Venues par plusieurs centaines des différents coins du pays, ces dernières se sont donné rendez-vous depuis la matinée de ce mardi, décidées à passer la nuit aux abords du bâtiment de la représentation nationale. Un périmètre de sécurité impressionnant fut installée dans toute la zone. Le fond de l’air, extrêmement tendu, est à la fronde. Les manifestants, qui brandissent des banderoles, ont manifesté leur ras le bol par des slogans qui sortirent de mille gosiers. La fièvre contestataire gagne la foule de laquelle monte crescendo une immense clameur qui enfle jusqu’au paroxysme. Une voiture ministérielle s’arrête devant la marée des manifestants. Secrétaire d’État chargé de la Jeunesse, Mohamed El Gahs, arrivé au gouvernement par le journalisme, est allé à la rencontre des représentants des victimes de l’Anapec. Or, M. El Gahs n’avait rien à leur offrir sinon des paroles réconfortantes en les invitant à faire montre de patience.
Les forces de l’ordre, sur les dents, se sont contentées, elles, d’observer le mouvement des protestataires, prêtes à intervenir en cas de dérapage. Celui-ci surviendra dans la soirée lorsque certains éléments en furie ont commencé à jeter des pierres sur les voitures qui passaient devant le Parlement. D’où l’intervention brutale des hommes en uniforme pour mater ce qu’ils croyaient être un début de révolte…
Venus protester contre le sort qui leur a été fait et dénoncer l’escroquerie à l’embauche dont ils étaient victimes, les manifestants ont subi les foudres des forces de l’ordre. Voilà des jeunes pour qui la vie est devenue lourde à porter depuis que leur rêve de travailler à bord de bateaux de croisière à l’étranger s’est mué en cauchemar. Plus de 30.000 prétendants, issus des quatre coins du pays, ont répondu à l’appel, déboursant chacun 900 DH rubis sur l’ongle pour les formalités médicales à une clinique de Casablanca du nom de Dar Assalam. Une grosse arnaque sous couvert d’opération de recrutement cautionnée par l’Anapec et l’ex-ministre de l’Emploi Abbas El Fassi.
Le gouvernement Jettou, qui a hérité de ce dossier chaud et embarrassant, a promis de caser dans la mesure du possible certaines personnes flouées et d’indemniser les autres. Et pour calmer les esprits, il a introduit une action en justice aux Émirats-Arabes unis contre l’agence Al Najat et une autre au Maroc pour déterminer les responsabilités des uns et des autres dans cette malheureuse affaire. C’est pour dénoncer ce qu’ils qualifient de promesses mensongères que les intéressés, qui ne voient rien venir, ont manifesté massivement devant le Parlement avant d’être réprimés. Il est vrai que l’embauche de 30.000 individus ressemble fort bien à une gageure. Une telle offre n’existe nulle part. Mais il n’en reste pas moins qu’il aurait fallu prendre des sanctions à l’encontre des acteurs de ce scandale politico social. Or, le directeur de l’Anapec, Chafik Rached, n’a pas du tout été inquiété.
Il préside toujours aux destinées de l’agence en question. Quant à Abbas El Fassi, il a été reconduit comme ministre d’État sans portefeuille. Tout se passe comme si personne n’était responsable. Alors quelle solution à ce casse-tête ? Continuer à matraquer des milliers de victimes, à chaque fois qu’ils descendent dans la rue, ne saurait tenir lieu de réponse à leur désarroi profond et à leur revendication légitime.

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