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«Démocratie, drogue et corruption»

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ALM : Que pensez-vous de l’affaire de Tétouan ?
Abdelkébir Tabih : Je crois qu’il est encore prématuré de se prononcer sur cette affaire tant que personne n’a pris connaissance du dossier et de ses éléments. Les P.V. de la police sont sous le sceau de la confidentialité. Nous sommes dans le stade de la désignation des avocats, et il faut attendre que ces derniers puissent prendre connaissance du dossier pour pouvoir se prononcer. Bien entendu, les seules données dont nous disposons, jusqu’à présent, sont celles rapportées par la presse, d’où la nécessité d’attendre l’ouverture du débat juridique.
Et qu’en est-il de l’implication des juges ?
C’est une grave incidence. Si la corruption peut atteindre ce sommet, c’est-à-dire la justice qui est le garant de l’équilibre de la société, c’est que la situation est très grave et nécessite des interventions responsables et fermes. Bien entendu, ma position part du principe que les faits, dont il est question, sont prouvés et les mis en cause pris en flagrant délit. Car, il est difficile d’accuser un juge et de l’inculper s’il n’y a pas de preuves irréfutables. Dans les cas des magistrats, ce genre de dossiers est lourd de conséquences, et les sanctions sont sévères, d’où la nécessité d’être prudent. La gravité du problème ne dépend nullement de la nature des personnes concernées, mais de leur statut. Or, la question qui s’impose à ce niveau est pourquoi on a laissé traîner les choses jusqu’à aujourd’hui. Dans le cas échéant, il s’agit de cinq juges de la Cour d’appel et de haut niveau. C’est, donc, une première au Maroc.
Quel effet cela vous fait de trouver, également, dans cette affaire des hommes politiques, des gestionnaires des sphères de décisions locales ?
A vrai dire, l’affaire de Tétouan est multidimensionnelle. La corruption revêt un caractère technique. Mais, d’autres questions sont non moins importantes. A la lumière des données disponibles, il y a bel et bien lieu de s’interroger sur le rôle et le statut de l’élite politique et intellectuelle du pays. Cette élite qui gère le pays et qui doit être épargnée de ce genre de fléaux. L’implication d’hommes politiques qui gèrent l’espace communal pose, en effet, le problème de la crédibilité politique, et indique que nous sommes dans une impasse. Evidemment, l’Etat ne peut gérer le domaine de la chose publique s’il n’y a pas d’élite crédible.
Comment la corruption peut-elle avoir des répercussions négatives sur le développement et la consolidation de la démocratie?
De prime abord, il y a lieu de signaler qu’il n’y a pas de politique sous le règne de la drogue et de la corruption. La politique se fait avec des idées, des plans d’action et des projets de société. Or, dans certaines sphères, existe une soi-disant élite « des comptes bancaires », un fait qui reflète l’existence de failles dans le système de gouvernance politique.
Cette affaire a dévoilé en outre l’existence de la corruption au sein même des prisons…
Vous savez, dans le cadre de la modernisation du système pénitentiaire marocain, on a introduit des postes de téléphone dans les prisons, ce qui a permis à certaines personnes de contacter leurs avocats et « associés ». Cela dit, il ne faudrait pas non plus verser dans des généralisations abusives et arbitraires. Car, malgré tout, il y a des juges honnêtes et intègres.
En dehors des positions de principe, et de la littérature d’ordre général, est-ce que, l’USFP, le parti auquel vous appartenez, a posé le problème de la justice ?
Politiquement, la question est posée depuis longtemps. Mais, la nouveauté, aujourd’hui, c est que, pour la première fois au Maroc, des initiatives sont prises avec autant de courage et de transparence. Le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, agit conformément aux règles de l’art. Sans aucune volonté de règlement de compte. Ce sont, donc, des choses, qui nécessitent du courage, des arguments fiables et des justifications valables, et qui ne sont nullement animées par des ambitions personnelles.
Comment faire pour sortir de cette impasse ?
A mon avis, il ne faut pas attendre que la société soit propre pour appliquer la démocratie. Celle-ci est, en outre, un moyen pour combattre les fléaux qui rongent la société. Le Maroc a franchi plusieurs étapes sur la voie de la démocratisation et de la modernisation de ses institutions, et ce n’est pas parce qu’il y a des problèmes de drogue ou de corruption qu’il faudrait s’arrêter. Nous sommes dans une phase de transition et nous avons besoin de plus de transparence et de démocratie ; mais pour cela, il faut être ferme et capable de prendre les mesures qui s’imposent.

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