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Elakhal : Hamas et PJD, même idéologie

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Aujourd’hui Le Maroc : Comment expliquez-vous la victoire du Hamas lors des dernières élections législatives en Palestine ?
Saïd Elakhal : La victoire du Hamas est le résultat naturel de la situation actuelle en Palestine et du traitement de cette question au niveau international. L’expérience de l’Autorité palestinienne était auparavant freinée par plusieurs obstacles au niveau interne, notamment la corruption et le clientélisme. D’autres obstacles étaient également de mise du côté d’Israël et des Etats-Unis. Les Palestiniens ne croyaient donc plus au sérieux des solutions politiques et pacifiques, ce qui les a finalement poussés à voter pour le Hamas qui brandissait le slogan de la résistance et de la lutte contre la corruption. Quand le désespoir et la grogne prennent le dessus, il est tout à fait normal qu’ils votent pour ceux qui mettent en avant la morale et la vertu.

Quel avenir pour la Palestine après ce changement politique ?
Les règles démocratiques voudraient que chaque peuple dispose du droit de choisir ses gouvernants. Il en est de même pour les Palestiniens qui, quelle que soit la nature de leur choix, ont élu leur gouvernement. Si les Israéliens ont opté pour l’extrême droite avec un Ariel Sharon en tant que Premier ministre, ils ont montré la voie à leurs voisins palestiniens qui n’ont pas hésité à voter en faveur de ce courant extrémiste. C’est la réponse du berger à la bergère, mettant face-à-face les deux extrémismes. Et pourtant, je crois que l’arrivée du Hamas au pouvoir pourrait apporter des éléments positifs à la lutte palestinienne dans ce sens qu’elle pousserait les deux gouvernements, israélien et palestinien, à se mettre autour de la même table des négociations. Vous savez, en politique, tout est possible. Il y a quelques années, Israël considérait le Fatah en tant qu’organisation terroriste qu’il fallait éliminer. Ce même Fatah que les Israéliens ont associé à un processus de paix au Proche-Orient. Il en serait certainement de même avec le Hamas qui, comme le gouvernement israélien, est amené à faire des concessions. Et les enjeux sont grands à ce niveau, notamment en matière sécuritaire. Le Hamas pourrait arrêter d’envoyer des missiles dont l’Etat d’Israël est la cible comme il pourrait mettre fin à ce chaos sécuritaire qui a tant nui au Fatah. Les attentes de ses électeurs, ainsi que la responsabilité du pouvoir sauraient l’y contraindre.

Quel sera l’impact de cette victoire sur le monde arabo-musulman ?
Il est évident que chaque victoire électorale d’un parti islamiste est exploitée par les mouvements
similaires dans le monde arabo-musulman, puisque perçue comme un signe de Dieu. Et ce du moment qu’ils ne mettent pas de frontière entre ce qui est d’essence religieuse et ce qui est purement politique. Chaque victoire électorale est perçue comme une opportunité d’élargir
le spectre de l’islamisme dans le monde. Ceci dit, les observateurs  doivent s’attendre à voir le Hamas à l’œuvre. Si sa gestion contribue à l’amélioration des conditions de vie des Palestiniens au quotidien, les islamistes et les autres applaudiront. Par contre, l’échec de sa politique ferait perdre au Hamas l’importance qu’il a acquise sur les scènes politiques et dans les sociétés arabo-musulmanes. L’exemple du PJD turc en est la preuve.

Les islamistes marocains se sont félicités de la victoire du Hamas. Pourquoi à votre avis ?
Les islamistes au Maroc sont contents de la victoire du Hamas, et c’est tout à fait normal du moment qu’ils embrassent la même idéologie et qu’ils souhaitent que cette idéologie soit largement répandue. Les islamistes marocains aspirent à avoir plusieurs modèles à travers le monde arabo-musulman afin de confirmer deux choses. D’abord que les peuples musulmans, si jamais ils disposent de la liberté de choix, opteront pour les organisations islamistes. Ensuite que les islamistes ne ressemblent pas tous aux Talibans et qu’ils sont prêts à cohabiter avec les valeurs contemporaines, notamment la démocratie. Les islamistes marocains, surtout le PJD (Parti de la justice et du développement), sont intéressés par l’expérience du Hamas dans le gouvernement qui écartera les doutes et les inquiétudes et qui obligera le Maroc à ouvrir la voie à une expérience semblable. Le PJD souhaite également, à travers l’expérience du Hamas, mettre le pouvoir dans l’embarras. Comment est-il possible qu’Israël accepte un gouvernement conduit par une organisation islamiste ennemie, alors que le Maroc refuse une telle perspective.

Comment le monde occidental va-t-il se comporter avec le Hamas qui ne reconnaît pas l’Etat d’Israël ?
Il est certain que les Occidentaux continueront à faire leur possible pour que le mouvement Hamas et les Israéliens acceptent les négociations directes. Dans ce sens, le Hamas a déjà envoyé des messages pour rassurer l’Occident et les Etats-Unis. Pour traiter avec le Hamas, les Etats occidentaux ne doivent pas adopter la position et les conditions d’Israël. L’élection du Hamas est née d’une volonté de tout le peuple palestinien. Les Occidentaux doivent donc non seulement respecter cette décision, mais ils se doivent aussi d’aider le gouvernement palestinien. C’est la seule manière d’éviter les difficultés et les problèmes qui existaient sous la direction du Fatah.

A votre avis, les négociations entre Israël et le Hamas sont-elles possibles ?
Une entente entre le Hamas et Israël est possible et devient décisive. Si Israël souhaite réellement mettre fin à la violence, il faudra qu’il accepte les négociations avec les représentants de la Palestine. Pour que le mouvement Hamas puisse gérer les affaires de son peuple, il est obligé de coordonner avec Israël. Cela ne peut avoir lieu qu’en faisant des compromis. C’est primordial.

L’aide internationale en faveur de la Palestine restera-t-elle suspendue ? Y a-t-il une issue à ce blocage ?
La communauté internationale doit être objective et rester fidèle à ses principes. Lorsque les Israéliens ont voté pour le Likoud, qui est un parti extrémiste, il n’y avait aucune réaction négative de la part de cette société. Par contre, lorsque les Palestiniens ont voté pour le Hamas, on a vite brandi la carte des menaces avec la suspension des aides et l’arrêt des négociations. Et c’est bel et bien ce genre de réactions qui poussent les Palestiniens à emprunter le chemin de l’extrémisme. En effet, les Palestiniens n’ont plus rien à perdre. Ils veulent aussi vivre dans la tranquillité, construire leur avenir et réaliser leur rêve : établir un Etat. Personnellement, je ne pense pas qu’il y aura une crise dans les relations entre le Hamas et la communauté internationale.

Y a-t-il un avenir pour la paix dans la région ?
Je crois que les Palestiniens et les Israéliens sont au bout du tunnel. Maintenant, ils doivent trancher et choisir entre la paix et la violence. Les Palestiniens ont fait assez de concessions sans arriver à réaliser leur rêve d’indépendance. Aujourd’hui, les Israéliens doivent savoir que ce qui bloque la paix dans cette région est leur refus d’un Etat palestinien indépendant. Tous les pays arabes sont prêts pour la paix avec Israël à condition que l’Etat hébreu donne aux Palestiniens le droit d’installer leur Etat. Il n’existe pas de peuple qui aime la guerre et la destruction.

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