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Le warning de Jouahri : L’économie dos au mur

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Les trois mois à venir seront déterminants pour l’économie marocaine, a estimé à Rabat le gouverneur de Bank Al-Maghrib au cours de la traditionnelle conférence de presse qui clôt la réunion trimestrielle du conseil d’administration de l’institution financière.
«Ou on parvient à maintenir les indicateurs dans les limites définies par les institutions financières internationales, le FMI principalement, et on passe le test de l’évaluation, ou on n’y parvient pas et il sera alors difficile de convaincre et de conserver sa crédibilité». Abdellatif Jouahri qui a mis sur le compte de la Ligne de précaution et de liquidité (LPL) mise à disposition par le FMI, le succès remporté sur les marchés des capitaux, a jugé l’évaluation du FMI – qui doit intervenir en juin – essentielle pour la notation et la crédibilité du Maroc à l’international ainsi que pour les conditions d’accès à l’emprunt étranger. Il a donc considéré que le gouvernement doit s’attacher à davantage réduire le déficit budgétaire, lequel a été de 7,6% en 2012, et à éviter que le déficit public qui est de 54% ne se détériore au-delà des 60% tolérés.
Il a cependant considéré que les perspectives de croissance pour cette année sont globalement prometteuses. Prenant appui sur les conditions climatiques remarquables, il a prédit une moisson céréalière de quelque 80 millions de quintaux, ce qui devrait induire une croissance «plutôt proche des 5 que des 4%» avec une progression des activités non-agricoles sensiblement du même ordre que celui enregistré l’année dernière.
Perspective qui laisse penser que «l’output gap non-agricole devrait évoluer à des niveaux négatifs à court terme, indiquant l’absence de pressions significatives sur les prix». Comme, du reste, devrait évoluer la progression du crédit qui devrait se situer entre 5 et 6%, tandis que la création monétaire devrait rester modérée : toutes conditions qui laissent augurer que «l’inflation devrait se situer autour de 2,2% en 2013 et même baisser à 1,6% au 2ème trimestre 2014». Un autre léger mieux pourrait être constaté au niveau du déficit budgétaire qui devrait s’établir à 5,5% du PIB – encore loin du seuil des 3% prescrits –, mais qui marque cependant une rémission notable par rapport aux 7,6% de 2012. Les perspectives devraient également s’améliorer en ce qui concerne les échanges extérieurs auparavant marqués par un déficit inquiétant parce que grandissant. BAM note que «les données les plus récentes font ressortir une atténuation de 17,5% du déficit commercial, à 27,5 milliards de dirhams à fin février en liaison avec une baisse des importations (-10,8%) plus importantes que des exportations (- 3%)».
Dans le même temps les recettes du tourisme ont augmenté de 2%, les transferts des MRE ont baissé de 2,9% et les IDE ont quasiment doublé en passant de 5,3 milliards de dirhams à 10,2.Conséquence : les avoirs extérieurs nets de Bank Al-Maghrib représentent à fin février environ 4 mois d’importation de biens et de services. Les choses restant donc de manière globale sans changement notable par rapport à leur état précédent, BAM maintient à son niveau de 3% le taux directeur.
Explicite sur l’évolution des agrégats, Abdellatif Jouahri s’est également étendu sur les perspectives offertes à l’économie nationale dans le nouveau contexte mondial. Répondant à une question d’ALM, il a déclaré que «l’Europe étant malade, et les autres zones traditionnellement partenaires ne se sentant pas très bien, il n’y a que l’Afrique subsaharienne pour offrir terrain à la coopération. Pour les 4 ans à venir, ce sera probablement la seule zone capable de donner la réplique à l’économie nationale pour un partenariat mutuellement bénéfique», a-t-il affirmé. Le gouverneur de Bank Al-Maghrib a eu au cours de sa conférence cette phrase qui n’a pas manqué d’intriguer:«pour que la croissance prenne efficacement, il faut veiller à en répartir plus largement les fruits». Il a en effet estimé que contrairement à ce qu’il en a été dans le passé, la croissance ne peut plus se baser uniquement sur la demande intérieure. Il faut user d’autres outils plus indiqués dans le nouveau contexte mondial. Il a cité le commerce et l’investissement extérieurs.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Bank Al-Maghrib rapporte à l’Etat plus qu’elle ne lui coûte. Abdellatif Jouahri qui a tenu ce propos a expliqué que l’institution verse la totalité de son produit net à l’Etat, soit quelque 900 millions annuellement.

 

Aggravation des compensations
Le rapport de Bank Al-Maghrib note que sur le plan des finances publiques, les données de 2012 montrent un creusement du déficit budgétaire, hors recettes de privatisation. Ce qui veut dire que son niveau de 7,6% enregistré cette année-là ne tient pas compte des cessions d’actifs de la SNI – 900 millions de dirhams- en faveur de sociétés  françaises. Abdellatif Jouahri a déclaré que la totalité de cette somme a été encaissée en février dernier. Il a, en outre, jugé que cette aggravation est due pour l’essentiel à l’aggravation des charges de compensation. Inscrites aux prévisions pour un total de 40 milliards de dirhams, elles ont tourné au final autour de 54. Ce qui a entraîné ce commentaire du gouverneur de Bank Al-Maghrib: «C’est un déficit particulièrement lourd, car il est très difficile de trouver 14 milliards de dirhams par les temps qui courent». Partant de ce constat, il a estimé que l’une des priorités est de restructurer cette Caisse de compensation  qui n’est pas loin du tonneau des Danaïdes.
Citant l’exemple de l’ambassadeur du Brésil qui lui a avoué ne pas comprendre le fait de payer son pain au même prix que son chauffeur, Abdellatif Jouahri pense que la clef de voûte de la refonte est un meilleur ciblage des populations à aider.

Presque un milliard par an
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Bank Al-Maghrib rapporte à l’Etat plus qu’elle ne lui coûte. Abdellatif Jouahri qui a tenu ce propos a expliqué que l’institution verse la totalité de son produit net à l’Etat, soit quelque 900 millions annuellement. Fait exceptionnel cependant, cette « dîme » s’est montée à 1,5 milliard cette année. Outre cette redevance en espèces, Bank Al-Maghrib conseille le gouvernement. Chaque année, elle dit son point de vue sur les dispositions du projet de loi de Finances «en toute objectivité et technicité». Pour le gouverneur de Bank Al-Maghrib qui se dit heureux d’avoir travaillé  avec une égale sincérité en compagnie de  4 gouvernements successifs différents: «Ce qui importe plus que tout, c’est l’intérêt général».

Une inflation stable à moyen terme
L’inflation à l’horizon des six prochains trimestres devrait rester globalement en ligne avec l’objectif de stabilité des prix à moyen terme. C’est ce qui ressort de Bank Al Maghrib qui souligne que ce taux devrait se situer autour de 2,2 % en 2013, de 1,6% au deuxième trimestre 2014 et de 2% en moyenne sur l’horizon de prévision.
De même la sphère monétaire continue la modération de la création monétaire. L’agrégat M3 a enregistré à fin janvier 2013 une croissance de 2,4% contre 3,8% au quatrième trimestre 2012. Il en est de même pour le crédit qui est passé de 5,2 à 3,2%. Selon les chiffres préliminaires présentés par Bank Al-Maghrib à fin février 2013, cette évolution s’est accélérée à 3,9. S’agissant de la progression du crédit, cette dernière devrait se situer au titre de l’année 2013 dans une fourchette de 5 à 6%. Tenant compte de cette ventilation, l’écart monétaire devrait rester négatif, indiquant l’absence à moyen terme de tensions inflationnistes d’origine monétaire.

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