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Qui a peur de l’accord d’Agadir ?

Traditionnellement, au Maroc, le temps politique avait toujours du mal à être en phase avec le temps économique. Les patrons marocains n’avaient de cesse de s’élever contre les retards pris dans la mise sur pied de mesures d’accompagnement, utiles à leurs champs d’activités respectifs. Mais, actuellement, à leur corps défendant, ils assistent à un retournement total de situation. Le temps politique a fini par devancer celui de l’économie au point de créer un désarroi généralisé. L’effet boomerang du fameux accord quadripartite entre la Tunisie, le Maroc, l’Egypte et la Jordanie, signé le 25 février 2004, ne sait pas fait attendre. La date du premier janvier 2005 sonnera assurément le glas d’une métamorphose généralisée de pans entiers de l’économie nationale. Entre opérateurs inquiets et un gouvernement rassurant, la réalité du terrain l’emportera.
Les nombreuses contestations de la part de plusieurs milieux d’affaires paraissent, néanmoins, justifiées. Alors que la mise à niveau programmée de plusieurs secteurs avait un calendrier défini, l’accord d’Agadir n’a pas manqué de le bousculer. En tête des contestataires, le secteur des matériaux de construction.
Ainsi, les cimentiers n’ont de cesse de dénoncer la probable déferlante du ciment égyptien, une fois que le prix de pétrole aura baissé et le fret maritime devenu plus compétitif. L’énergie bon marché en Egypte, surtout pour le gaz, rend la tonne du ciment égyptien plus compétitive. Elle est actuellement à 32 dollars en Egypte contre plus de 100 dollars au Maroc. Compte tenu des lourds investissements consentis, les opérateurs du secteur craignent des niveaux de retour sur investissements inférieurs aux niveaux escomptés. Autre secteur, celui de la sidérurgie. Le sidérurgiste national, Sonasid, n’a toujours pas fini la réalisation de son laminoir de Jorf Lasfar. Compte tenu du programme d’investissement consenti, plus de deux milliards de DH, l’ouverture prématurée des frontières est de nature à déstabiliser le programme initialement arrêté.
Par contre, le spectre de la disparition pure et simple de filières entières plane avec insistance. La filière rizicole n’a d’ailleurs pas de cesse de tirer la sonnette d’alarme. L’opération de réception de la campagne rizicole, qui se déroulait jusqu’ici sans heurts, risque cette année de connaître quelques difficultés; En cause, les distorsions importantes entre le prix payé au producteur et celui correspondant au riz égyptien importé dans le cadre de l’accord d’Agadir. Le riz égyptien est commercialisé à des prix défiants toute concurrence. Le rapport est du simple au double. « Il serait au-delà des conséquences économiques et sociales, dangereux de sacrifier tout un savoir-faire accumulé depuis des décennies et arrivé au niveau des standards internationaux. Il serait tout aussi inconscient de se débarrasser d’une culture qui assure l’autosuffisance sur le plan national, grâce notamment aux retenues des barrages Moulay Driss 1er et El Wahda », indique l’Association professionnelle des rizeries du Maroc dans une lettre adressée au ministre de l’Agriculture, reprise par le bulletin Alimentarius de la Fenagri.
Alors, que faire dans ce cas précis ? L’association a formulé plusieurs propositions, présentées comme ayant fait leurs preuves ailleurs, en Turquie notamment. Ce pays a interrompu la délivrance des licences d’importation de riz, depuis août 2003, compte tenu de l’accroissement constant de la production locale.
En avril 2004, le gouvernement a remplacé l’interdiction totale d’importation par une convention permettant aux importateurs de bénéficier de licences d’importation à concurrence d’un même volume de riz acheté sur le marché domestique. Selon l’Association des rizeries, le résultat ne s’est pas fait attendre. En 2003, la Turquie avait importé 350 000 T de riz, dont près de la moitié en provenance des Etats-Unis.Les dernières estimations pour 2004 font état de 150 000 T. A priori, sans parler de protectionnisme, une certaine régulation est palpable. Reste à savoir si notre filière rizicole est assez compétitive pour être sauvegardée à long terme, ce qui n’est pas acquis d’avance.
Toutefois, ce cas précis, pose avec insistance le manquement généré par le traitement politique des aspects purement économiques. La non-consultation de certains secteurs sur le contenu de l’accord est frappante. Les critiques vont aux dispositions en elles-mêmes: pas de liste noire et un démantèlement tous azimuts dès l’entrée en vigueur de l’accord.
Peut-être que les pouvoirs publics, en toute connaissance de cause, savaient que le démarrage en trombe des échanges commerciaux entre les pays signataires est une hypothèse peu probable, vu l’historique commercial entre pays arabes ! La réalité du terrain apportera la réponse.

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