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Baalbek : au nom du Hezbollah

© D.R

Baalabek, un samedi hivernal en milieu de matinée. Les petites ruelles ainsi que la grande avenue qui donne sur la route de la capitale, sont très animées. Et pour cause, c’est le jour du marché hebdomadaire. Hommes, enfants, femmes, voilées pour la plupart, sillonnent les étroits sentiers et souks de cette ville millénaire. Une activité fébrile est également constatée au niveau du mausolée Saïda Khaoula, fille de Sidna Ali. En effet, la scène se déroule dans une région à forte présence chiite, à 85 km au Nord-Est de Beyrouth. En témoigne la mosquée érigée sur la grande place, tout près du mausolée, dans la pure tradition architecturale perse. Tout ce qu’il y a de plus normal puisque sa construction a été financée par des fonds iraniens. Un édifice dont la mosaïque bleu-vert dérange la grisaille morne des autres constructions. Baabalek est une masse urbanistique non conforme où tout ce qui est anarchique est roi et où des tonnes de béton, de briques et de pierres calcaires de la région ont élu domicile sans aucune planification préalable. «Profitant du chaos et de l’absence de l’Etat des années durant à cause de la guerre, toutes ces nouvelles constructions ont été construites de manière anarchique», souligne, non sans une pointe de tristesse, Yvette, guide touristique.
Le résultat en est tout accablant. Les habitations contiguës, grises, de cette teinte qui laisse beaucoup plus penser à la guerre qu’à la paix. Dans cette partie du Moyen-Orient, les mines sont également renfrognées. L’ombre syrienne semble être oubliée depuis longtemps. Et pourtant, une base de l’armée du pays voisin se trouvait à quelques kilomètres de la ville. Une grisaille lugubre qui s’étend à quelques mètres de l’un des trésors archéologiques les plus riches et rares au monde, celui de la cité de Baalabek. Une cité qui a défié le temps depuis des milliers d’années mais qui se trouve ensevelie sous des tonnes de pierres, de sable et de ciment, des quartiers entiers ayant été construits dessus. Au temps des Phéniciens, elle était l’offrande du peuple à leur dieu Baâl, roi des divinités. Les Romains en avaient fait une plaque tournante de leur colonie de la Méditerranée de l’Est érigeant temples dédiés à Jupiter, Bacchus et Vénus et modernisant toute l’infrastructure, ponts, aqueducs, chaussées, thermes, en l’occurrence. Toute la ville, qui a été promise par Marc Antoine à Cléopâtre en guise de présent, et qui, par la suite, a connu l’avènement du christianisme, en témoigne les restes d’une église qui a élu domicile dans le même temple de Jupiter. Les conquérants musulmans y sont passés également et, des siècles durant, ont façonné son architecture et le mode de vie de ses habitants. Cette ville, cosmopolite par définition comme l’étaient toutes les grandes métropoles du Liban dans l’Antiquité a, pour une dernière fois, ouvert ses bras pour accueillir de nouveaux arrivants, des Palestiniens qui y cherchaient refuge fuyant la barbarie de l’armée israélienne. Depuis 1948, date du premier conflit armé arabo-israélien, Baalabek abrite l’un des plus grands camps palestiniens, celui de Galilée (Al Jalil), qui se trouve à l’entrée sud de la ville. Un camp dont le nombre d’habitants n’est pas connu avec précision, puisque les autorités libanaises viennent à peine d’en faire le recensement, les résultats n’en sont pas encore disponibles.
Une sorte de bidonville en dur où la pauvreté est tellement criarde que les habitants n’y font plus attention. Au quotidien, ils vivent le manque d’infrastructures de base et d’opportunité d’épanouissement. Ils sont, comme le précise ce vieillard qui a choisi de vendre des cartes postales à l’entrée du site archéologique, dans l’attente de retourner chez eux, dans leur Palestine tellement proche mais tellement lointaine. Pauvreté, mais également grande présence de l’Islam politique. Deux grands posters se côtoient à l’entrée de camp Al Jalil, celui du président palestinien défunt, Yasser Arafat, ainsi que celui de Cheikh Yassine, leader spirituel du Hamas, assassiné par l’armée israélienne dans l’un de ses raids ciblant les grandes figures de la résistance palestinienne. «Baalabek est l’un des fiefs du Hezbollah au Liban», précise Elie Nemmour, manager d’une agence de voyages qui est en train de préparer un livre sur la question. Lors des dernières législatives, la liste de ce parti, constituée de huit noms, a permis l’élection de trois députés. Un chiffre non des moindres si l’on sait que le Hezbollah compte actuellement quatorze députés au Parlement libanais qui en compte au total 128.
« Le chiffre est très important, puisqu’il témoigne du degré de sympathie dont jouit ce parti dans la région », ajoute M. Nemmour. Mais cette précision peut être inutile pour sentir le degré de fidélité de la population aux thèses du mouvement de Hassan Nasrallah. A l’entrée de la ville, en provenance de Zahlé, chef-lieu de cette province libanaise de la vallée du Bekaa, de grands posters flanqués de photos de dirigeants du Hezbollah sont dressés tout au long de la route. Cheikh Yassine, Hasssan Nasrallah, mais également de grandes pancartes avec des slogans tels : « La jeunesse du Hezbollah au Liban, fierté de la nation islamique », ou encore cette belle caricature du Palestinien Naji El Ali, sur une grande affiche, montrant son héros fétiche, Handalah, criant haut et fort : « Droit au retour».
Toute la tension que vit cette région depuis des décennies est lourdement présente dans cette petite ville qui en a vu d’autres. Cette cité qui a connu l’avènement de religions monothéistes, dont les habitants ont, durant de nombreux siècles, vénéré et adoré des dieux païens, est actuellement l’exemple le plus édifiant de ce nouveau Liban qui essaie de se redresser et de renaître de ses cendres. Tant bien que mal tellement les enjeux sont grands.

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