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Deux lettres, au lieu… de trois

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La longue introduction de la lettre d’Ariel Sharon affirme l’accord du gouvernement israélien sur la feuille de route, où « pour la première fois, était présentée une formule pratique et juste pour arriver à la paix (…), une fenêtre d’opportunités, en vue d’un accord israélo-palestinien prévoyant deux Etats vivant, l’un aux côtés de l’autre, dans la paix et la sécurité »… Plus loin, la lettre reconnaît « la feuille de route prévoit des principes et un calendrier adéquat pour atteindre la paix et son application intégrale est la seule voie pour avancer »… Mais en conclusion de ces affirmations nouvelles, jamais entendues jusque-là de la part du chef du Likoud, chef du gouvernement israélien, depuis 2001, celui-ci soutient : « l’Etat palestinien ne sera jamais créé sur le terrorisme (…) ». En ajoutant plus loin : « l’Autorité palestinienne, sous son actuelle direction, n’a pris aucune mesure pour respecter ses engagements, conformément à la feuille de route (…) ». Ariel Sharon déclare, enfin, « J’ai décidé de prendre l’initiative d’une mesure de désengagement progressif, dans l’espoir de réduire les frictions et les tentations, entre Israéliens et Palestiniens ».
Cependant, Ariel Sharon avoue le but unilatéral de ce « désengagement » en poursuivant, dans sa lettre: « Le plan de désengagement vise à renforcer la sécurité d’Israël et à stabiliser sa situation sécuritaire, politique et économique (…) jusqu’à ce que la situation, dans l’Autorité palestinienne, permette l’application intégrale de la feuille de route ». Après cette définition complète du « désengagement » et son application, le chef du gouvernement israélien déclare de manière nouvelle «Nous considérons un accord avec les Palestiniens, comme le centre de notre action et le but à atteindre. Le progrès vers un tel accord passe, obligatoirement, par la feuille de route et nous nous opposerons à tout autre plan alternatif »…
Ariel Sharon va jusqu’à écrire «…Nous sommes conscients de la responsabilité de l’Etat d’Israël, incluant la restriction de la croissance des colonies, le démantèlement des implantations illégales et la prise de mesures garantissant la liberté de circulation des Palestiniens (…) », ayant également reconnu auparavant : « La barrière est un obstacle sécuritaire et non politique, provisoire et non définitif qui ne préjuge donc pas de l’accord final et de la fixation des frontières définitives».
Ariel Sharon va conclure sur son «engagement… conformément à la feuille de route » et encore plus loin en espérant que la « capacité de la direction nouvelle palestinienne fasse preuve de (…) ses responsabilités, dans le cadre de la feuille de route ».
La seule question qui reste à poser, après cette lecture d’éléments et de déclarations nouvelles du chef du gouvernement israélien : pourquoi ne pas négocier de tout cela avec la partie palestinienne qui est reconnue comme directement concernée ?
D’autant que la lettre du président Bush ne se contente pas d’approuver le plan de désengagement de la Bande de Gaza. Elle rappelle « à tous les Etats et parties leurs engagements, conformément à la feuille de route ». Mais elle va plus loin encore, en rassurant Ariel Sharon : la feuille de route est permanente ; le terrorisme doit être maîtrisé par la direction des Palestiniens qui « doivent réaliser des réformes politiques fondamentales, pour instaurer une démocratie parlementaire forte et le renforcement du statut d’un chef de gouvernement » ; la lutte régionale et « au-delà » contre le terrorisme ; la collaboration avec l’Egypte et la Jordanie pour « encourager la volonté et la capacité des institutions palestiniennes à lutter contre le terrorisme » ; « l’engagement profond (des Etats-Unis) à la sécurité et à l’intégrité d’Israël comme un Etat juif », en outre, « dans le cadre d’un accord global, la solution du problème des réfugiés palestiniens. Se fondera sur la création d’un Etat palestinien et leur installation dans ce cadre, et non en Israël »…
Pourquoi donc ne pas avoir impliqué la direction palestinienne dans la discussion de ces questions qui la concerne directement ? Pourquoi parler de l’Egypte et de la Jordanie, sans les impliquer dans ces discussions ? Pourquoi les Etats-Unis semblent se comporter comme un « Etat protecteur » de toutes les parties, qui ne leur ont pas donné de délégation de traiter en leur nom ?
Les Etats-Unis vont même jusqu’à s’imposer comme un juge suprême, avec « une vision que j’ai présentée en juin 2002 », précise le président Bush, sans compter la voie fixée par la feuille de route, qui au moins, elle, a été acceptée par les parties. Les Etats-Unis par leur président, savent définir ce qu’ils entendent exiger de tous et de chacun, pourquoi, encore une fois, n’imposent-il pas une négociation des parties qui sont en mesure de définir leurs intérêts ?…
Après avoir cité les résolutions 242 et 338 pour la négociation des frontières, pourquoi ajouter plus loin, « il n’est pas réaliste de s’attendre que les négociations, sur le statut final, aboutissent au retour aux lignes de cessez-le-feu de 1949 ». Qui en a jamais parlé, en dehors de la ligne verte de 1967 ? Certes, le président Bush rappelle en définitive : « … Les Etats-Unis sont favorables à la création d’un Etat palestinien – viable, souverain et indépendant -, permettant au peuple palestinien de construire son avenir, conformément à la vision que j’ai présentée en juin 2002 et à la voie fixée par la feuille de route»… Pourquoi alors revient-il en arrière en se contenant d’écrire : «Les Etats-Unis se joindront à d’autres pays de la communauté internationale pour promouvoir des institutions politiques démocratiques et à l’éclosion d’une nouvelle direction respectueuse de ces institutions»…Pour lever la contradiction, le président Bush, au-delà de louer son «initiative historique », pourquoi n’essaie-t-il pas de convaincre Ariel Sharon d’accepter une négociation avec l’Autorité palestinienne élue, pour faire réussir « sa grande contribution à la paix », comme l’affirme le président américain ?
Le président pour finir, dans un esprit démocrate américain, devrait imposer au Premier ministre israélien, sa décision d’adresser une lettre commune à l’Autorité palestinienne ou à son Premier ministre, Ahmed Qoreï – pour le moins -, afin de l’informer des conditions de la reprise de la feuille de route… dont le désengagement de Gaza devenait une étape nouvelle. L’exécution d’Abdelaziz Rantissi a certainement été décidée dans le même scénario écrit par le chef de cabinet de Sharon, Dov Weisglass. D’autant que les deux lettres font, de la lutte contre les « institutions du terrorisme », le principal frein à la réalisation de la feuille de route. Mais un analyste du journal israélien, «Yediot Aharonot», titre son commentaire « Elimination pour les besoins du désengagement ». Alors que celui du quotidien israélien «Haaretz» a écrit, également, au lendemain de l’opération aérienne contre Rantissi : « Pour Sharon, le renforcement de la lutte contre le terrorisme va de pair avec les préparatifs de désengagement dans l’assurance du feu vert des Américains aux opérations contre le Hamas, défini comme organisation terroriste… »
En réalité, rien ne peut empêcher Ariel Sharon de presser ses partisans « de ne pas s’endormir sur les lauriers de leur président et de mener une campagne active du « oui », au référendum fixé le 2 mai 2004 ». L’analyste de «Haaretz» aurait pu ajouter… et d’aider le président Bush dans sa campagne pour sa réélection le 6 novembre prochain…

• Par Robert Assaraf

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