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Les oubliés de Guantanamo

Les Etats-Unis se sont dès le départ arrogé le droit de statuer sur le sort: les détenus de Guantanamo ne pouvaient être considérés comme des «prisonniers de guerre», tout juste comme des «combattants illégaux».
Capturés en Afghanistan par les troupes américaines et alliées, quel meilleur sort ces milliers de Taliban et membres d’Al-Qaïda pouvaient-ils donc espérer? Pour Washington, ces quelque 600 prisonniers transférés de Kandahar (sud) vers la base américaine de Cuba à partir de mi-janvier 2002, ne pouvaient qu’être des «détenus sur le champ de bataille»… Un terme inventé pour l’occasion par l’administration Bush et qui n’existe pas en droit international humanitaire ! Cet état de non-droit les a donc immédiatement privé de tout recours juridique, d’un avocat notamment, comme il a permis à l’administration américaine de les maintenir en détention jusqu’à maintenant. Soit durant un an pour les premiers 158 détenus arrivés au Camp X-Ray !
Quant à leurs conditions de vie, elles ne sont même pas rapportées par les visites qu’effectue «régulièrement» la délégation américaine de la Croix-Rouge : «confidentiel». Lors de son dernier bilan daté du 6 janvier 2003, le CICR indique toutefois qu’il a facilité l’échange de messages -vérifiés par les autorités américaines- entre les détenus et leurs familles, qu’il a fourni quelques loisirs, notamment des livres, aux prisonniers avec lesquels il s’est par ailleurs entretenu «sans témoin». On se souvient aussi des images véhiculées par les médias lors de leurs transferts et qui laissaient entrevoir des hommes menottés, les fers aux pieds, agenouillés et les yeux bandés, devant des grillages et des barbelés. «Ils sont traités humainement», ont à maintes reprises assuré les autorités américaines. Ces hommes rassemblant 40 nationalités passent aujourd’hui encore la plupart de leur temps dans des cellules de 2,4 mètres de long… En février 2002, deux-tiers (soit 194) des prisonniers de Guantanamo avaient entamé une grève de la faim pour réclamer plus de respect, notamment dans le domaine religieux. Fin octobre dernier, trois Afghans dont deux septuagénaires libérés de Guantanamo -les seuls avec un Pakistanais de 60 ans à avoir été «innocentés»- ont, quant à eux, apporté les premiers témoignages directs sur la vie quotidienne au Camp X-Ray.
«Ils nous ont gardés dans des cages comme des animaux», a raconté le plus jeune. «On nous permettait de sortir seulement deux fois par semaine pendant une demi-heure». Les trois Afghans ont aussi raconté avoir été interrogés une dizaine de fois chacun pendant plusieurs heures d’affilée. Au cours desquelles ils portaient des chaînes aux pieds, tout comme durant les promenades. «Nous avions suffisamment de nourriture, nous pouvions prier et nous laver avec de l’eau cinq fois par jour. On avait le Coran et on le lisait tout le temps», a cependant concédé l’un de ces trois ex-détenus qui ont affirmé ne faire partie ni des Taliban, ni d’Al-Qaïda. Selon le journal américain Los Angeles Times daté du 22 décembre 2002, de nombreux prisonniers n’auraient d’ailleurs aucun lien avec l’une ou l’autre de ces organisations. Pire, «au moins 59 détenus, soit près de 10% de l’ensemble des prisonniers» ont été envoyés à Guantanamo alors qu’ils ne s’étaient «révélés d’aucune utilité pour les services secrets» américains, lesquels avaient demandé leur libération et non leur transfert d’Afghanistan. Et le journal d’ajouter que «des dizaines de détenus afghans ou pakistanais sont, selon les rapports des services de renseignements, des paysans, des chauffeurs de taxi, des cordonniers ou des ouvriers agricoles».
Combien de temps ces hommes resteront-ils encore enfermés dans le vide juridique le plus total ? Les Etats-Unis, en état de guerre, continuent de parler de «justice d’exception».
Mais des Etats comme la France et la Grande-Bretagne – qui comptent respectivement sept et cinq ressortissants dans la baie cubaine – ont récemment entamé des procédures judiciaires. Un marathon qui promet toutefois encore de longs mois, voire de longues années à ces détenus tombés dans l’oubli.

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