Politique

Des candidats font légaliser un document qu’ils diffusent sur les réseaux sociaux: Peut-on vraiment renoncer à son salaire de député ?

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Aucune autorité ne pourra aller s’enquérir, demain, auprès du candidat, éventuel futur député, pour s’assurer qu’il a vraiment renoncé à ses indemnités. Ce qui fait dire à Brahim Yassine, dirigeant de la FGD, que ce geste «n’est ni sérieux ni réaliste».

Certains candidats pour se démarquer s’engagent à renoncer, une fois élus, à leurs salaires de parlementaires. Qu’en dit la loi ?

Voulant sans doute faire dans l’innovation, certains candidats de la Fédération de la gauche démocratique (FGD) ont rédigé et diffusé un engagement par lequel ils renoncent à leurs futures indemnités parlementaires. Et ce, dans le cas où ils seront élus, bien sûr. C’est un acte inédit qui est censé injecter une dose d’honnêteté à la campagne électorale. Mais que vaut vraiment ce document ? Bien sûr, un candidat honnête, s’il en est, n’a pas besoin de signer et légaliser auprès des autorités locales un document pour le brandir devant les électeurs en signe  de son intégrité. Or, le rôle de ce genre de documents qui a vite fait le tour des réseaux sociaux se limite là. D’abord, ce n’est qu’un simple engagement, y faillir n’expose donc son auteur à aucune sanction. Par conséquent, rien ne prouve qu’il va vraiment le tenir, une fois élu. Rappelons, dans ce sens, les promesses faites par certains parlementaires, il y a quelques mois, de renoncer à leurs retraites. Jusque-là, rien ne prouve qu’ils les ont vraiment tenues. De plus, aucune autorité ne pourra aller s’enquérir, demain, auprès du candidat, éventuel futur député, pour s’assurer qu’il a vraiment renoncé à ses indemnités. Ce qui fait dire à Brahim Yassine, dirigeant de la FGD, que ce geste «n’est ni sérieux ni réaliste».

Sur le plan technique, la question paraît encore plus compliquée. Dans les faits, les indemnités, et aussi la retraite, des députés sont régies par un décret du Premier ministre, qui soit dit en passant n’a jamais été publié au Bulletin officiel tout comme celui concernant les salaires et les avantages des ministres. Ce qui veut dire que, légalement, un député ne peut pas s’opposer à percevoir son salaire. Et même s’il en fait la tentative, les services de la Chambre ne sauront quoi faire avec cet argent. Il n’existe dans les documents comptables de la Chambre aucune ligne qui prévoit ce cas de figure. La problématique s’est déjà posée lorsque la présidence de la Chambre, pour sanctionner les députés absentéistes, a tenté de ponctionner sur leurs salaires. Le candidat est-il au courant de la complication administrativo-comptable que suppose son geste? La question mérite d’être posée. Si ce n’est pas le cas, comment prétend-il à assumer une mission où il doit, entre autres, légiférer, s’il n’est même pas au fait du cadre juridique qui réglemente cette fonction ? Au contraire, s’il est au fait de tous ces aspects, son acte peut être considéré comme une tentative d’induire les électeurs en erreur. Il se retrouve dans ce cas en infraction. Mais cela suppose une autre question : peut-on considérer une campagne menée sur les réseaux sociaux comme une campagne classique ? Là, c’est à la future Cour constitutionnelle de trancher.

Bref, si un député ne peut pas renoncer facilement à ses indemnités, que peut-il faire dans ce cas? Il n’aura que l’embarras du choix. Le candidat, une fois député, estime ce dirigeant du Parti socialiste unifié (PSU), peut encaisser ses indemnités et en réserver un tiers pour son parti la FGD, garder un tiers pour couvrir les frais nécessaires à l’exercice de sa mission et avec l’autre tiers soutenir des activités sociales dans sa circonscription. De là à renoncer carrément à leurs indemnités ou appeler à les annuler en mettant en place un système de restitution des frais réellement engagés par les élus, c’est une autre paire de manches. Pour cela il faut changer la loi, quitte à décréter le mandat parlementaire comme une activité volontaire et non rémunérée. Or, à moins de disposer de la majorité absolue et diriger seul le gouvernement, ce qui est quasiment impossible dans le régime électoral marocain, aucun parti ne peut s’aventurer sur ce terrain. Car, il faut bien s’y faire, les autres parlementaires ne sont pas forcément chauds pour cette initiative. Cela d’autant que, pour bien des partis politiques, les parlementaires contribuent sensiblement à leurs finances. Le Parti de la justice et du développement (PJD), par exemple, fait signer à ses candidats un engagement selon lequel ils sont tenus de verser entre 20 et 25% de leurs salaires de députés à la trésorerie du parti. A titre d’exemple et rien que pour le mandat qui s’achève, le PJD aura pu engranger pas moins de 7,5 millions DH par an grâce à cette contribution forcée de ses élus.

A rappeler qu’un député, ou un membre de la Chambre des conseillers, touche une indemnité de 36.000 DH nets d’impôt, mais de laquelle il faut retrancher les cotisations de la retraite de l’assurance maladie. Pour leur déplacement à l’étranger ils touchent une indemnité de 2.500 DH par jour. Les présidents de commissions et les membres du bureau touchent des indemnités supplémentaires et ont droit à d’autres avantages en nature.

Par: Tahar Abou El Farah

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