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Quelle vie pour les domestiques subsahariennes au Maroc ?

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Horaires, salaires, contrats, couverture sociale…

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Parmi les causes de l’abandon du travail, on retrouve la pénibilité des tâches confiées aux domestiques ainsi que l’absence de couverture sociale. Quant à la rémunération, officiellement fixée à un minimum de 13,46DH/h soit 2584,32DH mois, elle varierait selon l’employeur.
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Dans la mouvance démographique que vit le Royaume, l’immigration féminine a connu une croissance considérable. Ici, l’activité principale des migrantes subsahariennes reste «le travail domestique». Dans l’objectif de mettre ces femmes sous les projecteurs et montrer à quoi ressemblerait leur quotidien entre les murs de leurs employeurs, l’Association lumière sur l’émigration au Maroc (ALECMA) a présenté jeudi à Rabat, son rapport d’enquête à ce sujet. Les données qui en ressortent pourraient, tel qu’espéré par la société civile, pousser davantage le pays à accélérer le processus législatif dans ce sens. Détails.

Alors que la problématique des petites bonnes au Maroc s’implifie en l’absence de toute législation la régissant, celles des autres travailleuses domestiques, y compris celles d’origine subsaharienne, n’est pas en reste. Pour diagnostiquer cette situation de près et afin d’appréhender de manière suffisante la réalité, Alecma a mené en décembre dernier un travail de terrain dans les villes de Rabat, Fès, Casablanca, Tanger, Marrakech et Agadir. «Le présent rapport est un travail d’identification et d’analyse qui s’applique uniquement sur la situation de toutes les femmes migrantes d’origine subsaharienne résidant au Maroc et travaillant comme domestiques chez les Marocains et les expatriés sans distinction de langue, de religion, de nationalité, d’âge ou d’autre situation», précise-t-on auprès de l’association.

Basé essentiellement sur des témoignages, ce rapport indique que, hormis quelques exceptions, les employeurs n’octroient pas de contrats de travail à leurs employées et préfèrent un arrangement verbal. Ces contrats verbaux seraient rompus après quelques semaines ou quelques mois durant la période de travail. «Le non-respect de l’objet du contrat est l’une des causes fondamentales de cette rupture», indique l’Alecma. Or, si l’on se base sur le code du travail, on peut y lire clairement que «tout employeur désireux de recruter un salarié étranger doit obtenir une autorisation de l’autorité chargée du travail. Cette autorisation est accordée sous forme de visa apposé sur le contrat de travail. La date du visa est la date à laquelle le contrat de travail prend effet».

Il y a lieu de dire que bon nombre des problématiques auxquelles se heurtent ces employées sont vécues par les domestiques marocaines également, que ce soit pour l’absence du contrat ou, comme dans le cas de cette Ivoirienne de 23 ans, au niveau des horaires et de l’accumulation des tâches. «Mon travail consistait à faire le ménage chez un couple marocain, une grande demeure de huit chambres. Mais au bout d’une semaine, d’autres taches se sont ajoutées: laver les voitures (5 voitures, ndlr), nettoyer la piscine, arroser le jardin. Mon salaire était de 850 DH, je travaillais sans repos. Je commençais le travail à 7h, et je finissais quand mes patrons allaient au lit, après minuit», avait indiqué cette jeune femme qui a fini par abandonner son travail.

Pour l’Alecma, l’absence d’une législation nationale pour le travail domestique ne veut pas dire que les auteurs d’abus et violations devraient agir en toute impunité. Ils nuancent toutefois et précisent : «Quelques patrons essayent de respecter cette marge». Par marge, on entend les 44 heures minimum et 48h maximum par semaine, imposées par le code du travail marocain. Parmi les causes de l’abandon du travail, on retrouve la pénibilité des tâches confiées aux domestiques ainsi que l’absence de couverture sociale.

Quant à la rémunération, officiellement fixée à un minimum de 13,46DH/h soit 2584,32DH mois, elle varierait selon l’employeur. «Certains payent en deçà de ce montant et d’autres largement au-dessus», indique le rapport. Cette variation largement illustrée par ce témoignage relayé par l’Alecma : «Je travaille depuis 3 ans dans une famille marocaine. Elle m’a considéré comme leur fille et j’ai fini par aller vivre chez eux. J’avais un contrat de travail et j’étais affiliée à la CNSS. Mon salaire était de 3000 DH le mois, mon travail consistait à faire le ménage. C’était les plus beaux moments de mon séjour au Maroc.

J’ai laissé tomber parce que je voulais monter ma propre affaire. Nous avons gardé nos contacts et ils sont fiers de moi». Par ailleurs, si certaines employées sont choyées, d’autres subissent de façon directe ou indirecte des humiliations au quotidien. Aissatou, une Sénégalaise de 27 ans, en est une. «J’ai été recrutée comme femme de ménage chez un couple marocain. Je travaille de 6h à 23h pour un salaire de 2000 DH… Je subis la maltraitance, des violences verbales et physiques, des insultes de la part de ma patronne. Mais je supporte tous ses caprices parce que j’ai une famille, et j’ai besoin d’argent pour me prendre en charge», regrette-t-elle.

Comme conséquence directe des violation du code du travail et de l’absence de législation pour les domestiques, l’Alecma relève le fait que ces femmes se retrouvent perdues dans la société après des expériences décevantes. «Elles errent dans les quartiers à la recherche de nouvelles opportunités… elles finissent dans la mendicité, la consommation de drogue et souffrent des problèmes psychologiques liés au traumatisme subi dans le cadre de leur travail».  Cette association recommande à ce titre, en plus d’une mise en place d’une loi, de prendre des mesures pour dissuader les employeurs qui exploitent ces femmes. Elle appelle également à un recensement des femmes domestiques subsahariennes dans toutes ces villes, pour un suivi et à la garantie des dispositions pour ces femmes d’accéder à l’inspection du travail.

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