Chroniques

Macron, le Sahel et le Polisario

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

La grande crise actuelle que la présence française est en train d’affronter au Sahel ne passera pas sans conséquences politiques majeures sur la relation entre la France et les pays africains. Cette crise fait partie de ces moments historiques de ruptures et nouvelles configurations. Emmanuel Macron est acculé, sous peine de tout perdre, à revoir ses perceptions, ses stratégies et ses alliances.

Alors que la crise du Niger ne voit toujours pas le bout du tunnel, la France s’est trouvée presque seule à prêcher dans le désert la nécessité de recourir à la solution militaire pour restaurer l’ordre institutionnel et le président Mohamed Bazoum au pouvoir. Il est vrai que sa position officielle est de soutenir toutes les décisions de la CEDEAO, qu’elles soient diplomatiques ou militaires. Personne n’est dupe. Paris a une légère préférence pour une solution de force afin de mettre fin au putsch de Niamey, les enjeux étant d’une immense gravité, après la perte successive du Mali et du Burkina Faso.
Face à cette problématique, la diplomatie française s’est laissée doubler sur son aile européenne et américaine. Certains pays d’Europe comme l’Allemagne et l’Italie ne partagent pas l’enthousiasme français de trancher par la force la crise du Niger. Tandis que l’administration américaine, après avoir menacé de tous les maux les putschistes du Niger, a brusquement changé d’attitude pour s’éloigner de la solution militaire préconisée par certaines pays de la CEDEAO et soutenue par la France.
Cette forme de solitude française qui reflète un échec français en Afrique a été l’occasion pour l’opposition française de fustiger les choix et les postures d’Emmanuel Macron face à cette région. Dans une tribune devenue virale publiée par le journal Le Figaro, des dizaines de députés critiquent à la politique de Macron.
Une des charges majeures dans ce texte concerne le reproche fait à Macron d’avoir choisi une politique infructueuse au Maghreb. Le texte est direct et tranchant à l’encontre de L’Elysée : « Au Maroc, les atermoiements français sur le Sahara (alors que l’Espagne et l’Allemagne ont reconnu la souveraineté marocaine) et la politique d’équilibriste du Quai d’Orsay avec l’Algérie poussent le Palais royal à chercher ailleurs qu’à Paris des partenaires militaires ou économiques ».
Le mot « atermoiement » incarne à la lettre la vision de Macron sur le Sahara marocain. Ignorant volontairement la dynamique internationale et régionale favorable à la souveraineté du Maroc sur son Sahara, Emmanuel Macron a observé depuis de longs mois un mutisme face aux demandes marocaines, préférant donner des gages au régime algérien plutôt que de se rapprocher de l’allié marocain. Une indifférence française qui non seulement choque mais interpelle sur la pertinence des choix stratégiques français.
Face à la nouvelle donne régionale au Sahel où l’influence française est en grande difficulté, où les solutions proposées par Paris sont mises en minorité par ses propres alliés, la posture d’Emmanuel Macron sur le Sahara est-elle encore tenable ?
Emmanuel Macron affronte dans ce cas de figure précis deux scénarios. Le premier est de continuer à adopter une politique de l’autruche en ignorant les exigences marocaines, à favoriser contre toute logique politique le régime algérien dans sa compétition stratégique avec le Maroc. Cette posture risque d’accentuer la solitude de la France et la perte progressive de ses liens précieux avec ces espaces africains. Une attitude sourdement suicidaire.
Le second scénario est de profiter de cette crise politique et militaire régionale pour sortir de la zone grise et reconnaître haut et fort la souveraineté du Maroc sur son Sahara et de reconnaître par la même occasion que le Polisario, fer de lance de l’agressivité algérienne au Maghreb, est un élément de chaos et de déstabilisation. Cette solution a le mérite de remettre dans l’orbite français un allié aussi précieux, aussi actif, aussi présent dans cet espace africain comme le Maroc.
Emmanuel Macron a toutes les raisons objectives d’opérer ce tournant diplomatique et cette clarification exigée aussi bien par ses alliés que par son opposition. En tête de ces raisons, le positionnement du régime algérien, hostile aux intérêts français et soutien à l’agenda russe dans la région. Sauf à s’enferrer dans une forme d’autisme diplomatique, Emmanuel Macron ne pourra plus justifier ses passions algériennes qui l’ont aveuglé au point de provoquer une crise mutique et durable avec le Maroc.

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