Le prix de la carte bancaire en France, traditionnellement plus élevé que dans la plupart des autres pays européens, s’effondre actuellement avec l’arrivée de concurrents pour les grandes banques traditionnelles, favorisée par Bruxelles.
Alors que les sept principales banques de réseau national (qui représentent 90% des dépôts) facturent, au minimum, 41 euros par an pour une carte bancaire internationale Visa ou Mastercard à débit différé, les nouveaux acteurs du marché ont abaissé la note autour de 25 euros.
Depuis 2002, plusieurs enseignes de grande distribution, telles que Carrefour, Auchan ou Casino, avaient déjà lancé des cartes à prix "cassés", mais l’arrivée, le 1er octobre, du co-marquage, qui permet d’associer une marque non-bancaire au nom de l’émetteur sur une même carte, a relancé le mouvement. La condamnation mercredi, par la Commission européenne, d’un mécanisme de tarification souhaité par le Groupement des cartes bancaires, qui gère en France le système "CB", devrait encore renforcer cette dynamique.
La méthode, baptisée Merfa, induisait une tarification plus élevée pour les établissements émetteurs de cartes ne disposant pas d’un réseau physique (distributeurs automatiques en particulier) suffisamment important.
«Le Merfa était clairement dirigé contre Auchan», avance un observateur privilégié du marché, sous couvert d’anonymat.
«Tous ces petits établissements qui débarquaient sur la place et qui vendaient une carte Premier (carte aux services étendus commercialisée par Visa, ndlr) au prix de la Visa de base dans une grande banque, se retrouvaient coincés», estime Serge Maître, de l’Association française des usagers des banques (Afub).
Le Merfa n’a jamais été effectivement appliqué, mais face à cette menace «les nouveaux entrants n’ont pas pu émettre de cartes aux prix inférieurs qu’ils comptaient pratiquer», a estimé Bruxelles dans sa décision.
Selon des documents saisis au cours de l’enquête, le Groupement cartes bancaires craignait des offres à des prix allant de 15 à 20 euros, a indiqué la Commission.
«Cela nous a freiné pour lancer d’autres produits et peut-être, passer à la vitesse supérieure, dans la mesure où on a provisionné cette taxe (prévue par le Merfa, ndlr) qui était une épée de Damoclès», indique-t-on chez Banque Accord, la banque du groupe Auchan.
L’ensemble des barrières désormais levé, «cela va forcément tirer les prix vers le bas. On va s’aligner sur les pays latins, par exemple, qui ont des cartes beaucoup moins chères, déjà co-brandées (ou co-marquées, ndlr)», ajoute Banque Accord.
Si des offres promotionnelles proposent des prix inférieurs, la carte Galeries Lafayette étant par exemple à 7 euros la première année pour toute souscription au mois d’octobre, les prix ne devraient pas baisser sensiblement plus qu’ils l’ont déjà fait.
«A 25 euros, c’est rentable, même sans crédit», souligne l’observateur. «On peut avoir des cartes moins chères, mais il faudra qu’il y ait du crédit», soit une possibilité de paiement différé, assorti d’intérêts.
C’est précisément le cas des cartes Visa proposées par les établissements de crédit à la consommation Cetelem et Sofinco, qui sont facturées 19 euros l’année.
Une manière pour leurs maisons-mères, respectivement BNP Paribas et Crédit Agricole, de se positionner sur le créneau tarifaire, mais qui ne les met pas pour autant à l’abri de la concurrence, désormais frontale, sur leurs propres réseaux.