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Une étude de l’ICPC tire la sonnette d’alarme : 3 Marocains sur 10 recourent à la corruption pour bénéficier des prestations de soins

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Les manifestations de la corruption sont toujours présentes dans le secteur de la santé au Maroc. L’étude réalisée récemment par l’Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC) et le ministère de la santé démontre l’ampleur de ce fléau qui concerne toutes les prestations. Réalisée par le cabinet Mazars, cette étude a été dévoilée à l’occasion de la signature d’une convention entre l’ICPC et le ministère, mardi dernier, portant sur la lutte contre la corruption dans ce secteur.
En fait, les manifestations de la corruption se traduisent tout au long du circuit de prise en charge du patient. Elles sont répandues au niveau de l’ensemble des spécialités et services de l’offre de soins avec une forte concentration au niveau des services dits chauds, à savoir les urgences, l’accouchement et l’hospitalisation. De par leur caractère urgent et critique sur la santé, l’admission et la planification-programmation des opérations chirurgicales semblent être les points où la vulnérabilité des victimes de la corruption est la plus importante avec des taux de corruption respectivement de 53 et de 43%. La population manifeste plus de vulnérabilité et cède à la facilité de la corruption, selon cette étude. L’analyse des manifestations de la corruption par ville et par nature de prestation montre une concentration de la corruption dans les grandes agglomérations. Ainsi, les villes de Casablanca et de Rabat affichent les taux de corruption les plus importants, respectivement de 33 et de 32% selon le sondage réalisé auprès des citoyens. Cette situation est essentiellement liée aux importants afflux que connaissent les grandes agglomérations en matière d’accueil des patients. En effet, de par l’importante couverture des différentes spécialités ainsi que le niveau avancé en équipement dont disposent les établissements de santé des grandes villes (Casablanca, Rabat, Marrakech,…), Ils constituent un fort attrait pour les populations des petites villes limitrophes, souligne-t-on. Les flux importants générés dans ce cadre, combinés aux insuffisances en matière de ressources humaines, médicaments et matériels médicaux, amplifient le niveau d’exposition au phénomène de la corruption. Au sein de chaque ville, le taux de corruption varie selon la prestation, à savoir l’accueil et, information, la consultation, les certificats…
La ville de Rabat est caractérisée par des pratiques de la corruption liée essentiellement à l’octroi des certificats médicaux (72%), à l’admission aux établissements de soins (59%) et à la planification des interventions chirurgicales (55%). La ville de Casablanca enregistre les taux de corruption les plus élevés au niveau de la planification des interventions chirurgicales (57%), suivi par l’admission (55%) et par les consultations (57%). En revanche, la ville d’Oujda est globalement marquée par les taux de corruption les plus faibles. Selon les professionnels de santé, les montants des pots-de-vin sont à 75% inférieurs à 100 DH. Les acteurs rencontrés s’accordent sur la prépondérance des montants compris entre 20 et 50 DH. Les petits pourboires (moins de 20 DH) sont plus répandus dans les hôpitaux publics. Les dispositifs les plus «contaminés» par ces pourboires sont l’accueil, l’information et l’orientation et la délivrance des certificats médicaux, selon toujours la même source. La planification des interventions chirurgicales est le dispositif qui coûte le plus cher en matière de corruption, aussi bien au niveau des établissements de soins publics que privés. Au-delà de la planification des interventions, les hôpitaux publics affichent les montants de la corruption les plus élevés respectivement au niveau des dispositifs liés à l’attribution de fournitures médicales, la transfusion sanguine, l’admission et la tarification. Au niveau des centres de santé dans le milieu rural, les cadeaux en nature constituent une forme de corruption relativement répandue. Un phénomène plus marqué dans les établissements de santé publics, les résultats de cette étude ont révélé que, indépendamment de sa forme (pot-de-vin assistance de personnes influentes, …), 3 personnes sur 10 ont déclaré avoir eu recours à la corruption pour bénéficier de prestations de soins.
D’une manière globale, les pratiques de corruption sont plus répandues dans les établissements publics (hôpitaux et centres de santé publics) que privés (cliniques privées). L’enquête menée auprès des citoyens montre que le rapport est du simple au double en terme de fréquence du phénomène. Dans le secteur privé, les manifestations de la corruption concernent essentiellement les pratiques de sur-taxation des prestations, des traitements abusifs ou non nécessaires ainsi que la facturation de traitements fictifs. D’autres pratiques résultent des diverses interactions avec le secteur public. Elles se traduisent notamment à travers des ententes entre les professionnels de santé publique et privée pour l’orientation des patients vers les cliniques et les laboratoires d’analyse biologique et de radiologie privé. Le taux de corruption calculé sur la base des déclarations des citoyens dans les hôpitaux publics est de 32% contre 20% pour les centres de santé. La longueur des circuits de prise en charge des patients et la diversité des acteurs intervenants dans le cadre des procédures de gestion au niveau des hôpitaux sont les principaux facteurs favorisant le développement des pratiques de la corruption dans les hôpitaux. Cet écart entre les deux types d’établissements peut être expliqué par la nature des soins offerts dans les centres de santé, concentrée essentiellement sur les soins préventifs et dans certains cas les accouchements. Par ailleurs, les centres de santé ont mis en place différentes mesures pour renforcer les mesures de contrôle interne ayant permis la maîtrise des risques liés à la corruption (registre d’attribution des médicaments par exemple). Rappelons que, la convention de coopération et de partenariat signée entre Yasmina Baddou, ministre de la santé et Abdeslam Aboudrar, président de l’ICPC, vise à renforcer la coopération entre les deux institutions, en mettant notamment l’expertise de cette instance à la disposition du département de la santé. La coopération entre les deux parties porte notamment sur l’évaluation du phénomène de la corruption dans le secteur de la santé et l’organisation de campagnes de sensibilisation, outre la mise en œuvre des recommandations émises par l’ICPC.

Mohamed el hamraoui

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