Chroniques

100% Jamal Berraoui : Obama… et alors ?

© D.R

L’élite marocaine, qui ne vote pas et ne se sent pas concernée par la vie politique nationale, a passé une nuit blanche, pour poursuivre les élections aux USA. Il faut dire que le moment était historique parce qu’un métis allait devenir le président de la première puissance mondiale.
A part cette dimension symbolique, je ne vois rien de rationnel à l’engouement pour Obama. Son charme n’est pas une assurance contre l’agressivité américaine, le côté impérialiste, le mépris pour les autres cultures, loin de là.
A l’intérieur, Obama plaide pour une politique de redistribution et veut innover en installant une couverture médicale généralisée. Les USA n’ont jamais développé cette forme de solidarité, lui préférant le principe de responsabilité, c’est-à-dire chacun pour soi.
Le programme social d’Obama n’est plus jouable qu’à la condition de creuser encore plus les déficits américains. En clair, c’est le reste du monde qui doit payer le retour à la prospérité des USA. C’est ainsi depuis le Nixon – round et le décrochage du dollar par rapport à l’or. Dans la crise actuelle, nombreux sont les pays qui réclament un système monétaire international plus juste.
Obama va-t-il rompre avec la politique étrangère des USA ? Là aussi, il suffit de l’écouter. La lutte contre le terrorisme est toujours d’actualité. Il veut envoyer encore plus de troupes en Afghanistan et surtout bombarder les zones frontalières pakistanaises provoquant sans aucun doute l’éclatement de ce pays déjà mal en point. Or, il s’agit d’une puissance nucléaire et pas d’une armée de pacotille.
Le retrait d’Irak ? Il faut attendre pour voir, car un retrait au profit du chaos est aussi irresponsable que la funeste invasion de Bush.
Ses déclarations sur « Israël » ne laissent aucune place quant à un quelconque optimisme sur un règlement juste de la question palestinienne.
La rupture sera dans le style, juste le style, car pour le reste, les choix stratégiques américains ne sont pas de l’ordre du variable. La vraie bonne nouvelle, c’est le retour à un monde multipolaire. La crise économique démontre que la Russie et la Chine reviennent sur la scène. La chute du Mur de Berlin avait fait des USA les maîtres du monde. Bush a démontré qu’un monde unipolaire était une catastrophe. Obama devra composer avec d’autres puissances pour la gestion des affaires du monde. Il ne pourra plus crier à la face de l’humanité «vous êtes avec nous ou contre nous». C’est une attitude qui sera mise à son crédit, avec la détente qui en découlera.
En fait, le nouveau président américain doit sa popularité à Bush et ses catastrophes. Depuis 7 ans, l’Amérique est en guerre, sa défaite crève les yeux que ce soit à Kaboul ou à Baghdad, mais les USA ne peuvent s’y résoudre. La crise économique, fruit de la dérégulation absolue des marchés, plonge la planète dans la récession. Dans ce climat, un jeune métis, charmeur, passe pour une heureuse nouvelle.
Revenons à ce qui nous sert d’élite pour dire à quel point elle est suicidaire. Fantasmant sur Barack Obama, il était difficile de la faire revenir sur terre et de lui rappeler que dans 6 mois, le Maroc va changer ses maires. Si Obama a pu écraser McCain, c’est parce que le taux de participation était le plus fort de l’histoire.
Ce raisonnement est inaudible chez nos élites. Elles se complaisent dans une position hautaine, méprisant les partis, les élections et les institutions qui en découlent. «Tous les politiques sont pourris, incompétents», entend-on dire.
Admettons qu’il y a une part de vérité dans ce constat simpliste, trop simpliste. Il y a  cependant une autre réalité qu’il faut comprendre. Les communes sont le levier du développement le plus important, elles ont des prérogatives très larges. S’en désintéresser, c’est  se désintéresser de l’avenir du pays.
Alors fantasmons ensemble et prions pour que de jeunes gens, alliant charme, compétence et sens politique, réussissent à amener aux urnes tous ceux qui ont voté Obama devant leurs écrans de TV. Si tel était le cas, le visage du Maroc changerait, et je pourrai remercier l’«obamamania» sans la partager.

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