Chroniques

100% Jamal Berraoui : Pour l’amour d’une femme

© D.R

C’est une histoire normale. Celle d’une vie, en l’occurrence d’un mec. Je l’ai rencontré au bord d’un lac qui donne naissance à l’un des plus grands fleuves d’Europe. L’image de ces eaux à peine dégelées, fonçant vers d’autres contrées, une autre vie l’a débridé. Il avait envie de parler, de raconter son histoire, à ses yeux, toute l’histoire. A cinquante ans et des poussières, il avait vécu énormément de choses. Intrépide, il avait pris de gros risques pour atteindre son objectif : vivre en homme libre.
Ce parcours n’a pas été facile, les trahisons ont fini par l’expatrier, les échecs multiples ont laissé des traces, au point où il s’interroge sur l’utilité d’une vie, la sienne. Mais il s’accroche pour une femme. Elle n’est pas toute jeune, n’a pas la taille mannequin, mais lui, non plus, n’est pas un Apollon. Même s’il se plaît, dans sa mégalomanie, à raconter des histoires sur le séducteur qu’il aurait été dans sa jeunesse. Cette femme, couleur d’ébène, à des yeux magnifiques. «Crois-moi, mon frère, un seul de ses regards vaut tout un livre, elle n’a pas besoin de parler, il lui suffit de regarder». Selon lui, ses yeux damneraient un saint, ce qu’elle n’a jamais fait, parce qu’elle préfère les hommes.
Cultivée, combative, il en parle comme d’un roc. Lui qui a mené les batailles les plus dures, souvent perdues par ailleurs, la voit comme un refuge. Il a besoin de cette femme-là pour s’apaiser, se rassurer, exister. Mais il n’a aucune certitude, il sait qu’elle n’est pas indifférente à son égard, elle lui a même montré des signes d’intérêt ; de là à l’aimer. Cet homme, dont l’apparence ne laisse percer aucun désespoir, est au fond du trou. Il pense, il est convaincu que cette femme donnera un sens à sa vie. Dès lors, tous ses acquis lui paraissent bien dérisoires. Elle, il ne veut qu’elle. Il sublime son image, s’imagine un havre de paix dans sa poitrine, l’Eden serait logé dans son socle, la sagesse ne sortirait que par sa bouche, la plénitude se réduirait à prendre son petit-déjeuner avec elle, au lit, après une nuit de tendresse. Car, dans ses pérégrinations rêveuses, le sexe n’est pas une fin en soi. Il est décidé à aller vers elle, lui déclarer sa flamme, tenter de s’acheter «une île à deux» comme il dit. Quelle que soit la réponse de la femme en question, cet homme-là est heureux. Il vit un moment de bonheur intense, parce qu’il aime. Comme un adolescent, il sublime sa bien-aimée.
Cet homme-là a réussi sa vie, parce que la vie ne l’a pas transformé, n’en a pas fait un automate, blasé, incapable d’accepter de dépendre de l’autre. Réfléchissant à cet enthousiasme juvénile de la part d’un mec usé par la vie, j’ai abouti à la seule conclusion possible : sans amour, nous ne sommes rien. Aimer, être aimé, aimer sans être aimé, aimer sans rien attendre en retour, c’est probablement cela qui différencie l’homme de celui qui attend la mort.

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