Chroniques

A dire vrai…Non, tu n’es pas seule

© D.R

Elle réside loin. De l’autre côté de la Méditerranée. Un petit bout de femme. Pleine d’énergie, de générosité. Le cœur toujours au creux de la main. Heureuse si vous partagez sa pitance, enchantée si vous acceptez la protection de son toit. Par amitié, elle vous rejoindra, où que vous soyez. Elle ne vous oublie jamais. Non qu’elle vous inonde de vœux et de messages convenus aux échéances calendaires. Mais, au moment où vous vous y attendez le moins. Par un mail, elle vous dit qu’elle pense à vous. Des fois, elle traverse la mer pour se fondre avec vous dans les ruelles de Marrakech, ou se perdre dans les dédales de Fès. Elle est de ces amis qui, par la magie des mots, donne du sens à la relation humaine. Car elle écrit. Elle est écrivaine. Avec un souffle rare, des tournures envoûtantes. Tel un bijou que vous cachez précieusement, elle occupe un coin de votre vie, à portée de pensée, prête pour un partage, une réflexion, un mot de réconfort.
Elle a lu «Les fleurs, ce sera pour un autre jour», une humeur dictée par une journée où les hommes, l’espace de quelques moments, deviennent par miracle des mâles attentionnés, des époux avenants, des collègues prévoyants. Elle a réagi. Oui, les fleurs, ce sera pour un autre jour, a-t-elle dit dans son mail. Du coup, elle a lu (ou relu) tous mes billets. Sa façon à elle d’être un moment près de moi. Elle me parle de mes éclats et de mon idéalisme pratique, partage mon besoin de m’exprimer. Ça lui a fait du bien. Elle n’est pas sûre que les miracles soient à la portée des bonnes volontés. Du moins, pas toujours. Car, manquent les bonnes volontés.
Au fond, rien de plus banal. Simple échange entre amis qui refont le monde.
Quand…, revenant au point de départ, elle réitère : Les fleurs, ce sera pour un autre jour… Tu ne pouvais pas si bien dire, poursuit-elle  – hier, le 8 mars – pour la journée de la femme – mon mari m’a annoncé qu’il partait de la maison… ??? …
Je m’arrête net sur cette dernière phrase. Je ne comprends pas. Je suffoque, comme si je manquais d’air. Je refuse le sens des mots. Je m’éloigne du texte. Je veux m’enfuir, être ailleurs, gommer ce que je viens de lire, m’évader de ce mauvais rêve, de ce cauchemar qui a obscurci mon esprit. Je reprends ma respiration, graduellement. Je me rends à l’évidence, et poursuis la lecture.
«Ton petit mot tombe comme un signe. Malgré tout, les choses sont beaucoup plus complexes qu’elles ne le paraissent. Pour le moment j’ai à apprivoiser la nouvelle – m’acclimater à la perte. Me familiariser avec la solitude – que j’aime beaucoup par ailleurs… mais là, ce n’est plus la même. Voilà – je ne pensais pas t’écrire pour le dire, mais ton mail m’y a comme invitée. Inutile de te dire que je me sens comme désertée. Pourtant les fleurs commencent à éclore au jardin – j’ai fini un livre que mon éditeur est d’accord pour publier – les oiseaux pépient – et le ciel est toujours aussi vaste. Tout n’est pas perdu. C’est moi qui le suis un peu. Je pense bien à toi qui écris sans oublier d’agir.»
En quelques mots, quelques bribes de phrases, elle s’est confiée, couché d’indicibles sentiments. Je dois lui écrire à mon tour. Mais que dire ? À elle et à ceux et celles qui se sentent subitement seuls dans la vie ? Qu’attend-on d’un ami en pareille circonstance ? Quelle attitude est-on supposé adopter ? Surtout pas de banalités, ni de lieux communs. Je réalise que je manque de courage pour lui dire : Non, dans la vie, rien n’est jamais perdu. Redresse-toi, regarde autour de toi, le monde continue à vivre, et toi avec. La solitude n’est pas forcément l’absence de l’autre. Que d’âmes sont seules, pourtant entourées par la foule. Alors, tourne la page, poursuis ton chemin, vis l’instant présent, et prépare-toi pour le lendemain. Car, il y a toujours un lendemain, même après le dernier départ. Prends ta belle plume, plonge-là dans l’exubérance de la vie et butine à en perdre le souffle. Par la magie des mots, fouille dans le tréfonds de toi-même, aventure-toi dans les abysses de ton vécu, retrouve la sérénité intime et refais ton univers. Écris pour exorciser, pour te libérer, pour offrir, pour partager, pour donner. Tu as tant à donner… et tant à recevoir…
Car, tu n’es pas seule. Non tu n’es pas seule. Tes écrits te relient au monde et te fondent dans la création scripturale universelle. Aujourd’hui… et pour toujours.
C’est ce que j’aurais aimé te dire, Jeanine. Peut-être est-ce trop facile dans ma situation. Peut-être est-ce pour cela que les paroles me manquent. Alors, je me confie à l’écriture.

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