Chroniques

Autrement : De la critique à l’autocritique : Un mal nécessaire

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Il arrive à des intellectuels ou à des artistes de culture ou de religion musulmane, comme Salman Rushdie ou tout récemment Ayaan Hirshi Ali, de demander à des pays européens ou aux États-Unis de garantir leur liberté d’expression ainsi que leur protection. Cette liberté est vitale pour chaque individu et dans toute société. Une société qui interdit ce qui brise son auto-complaisance et son auto-flatterie, n’est-elle pas une société figée ? Vouée à la mort ?
S’il n’est déjà pas aisé de prendre des libertés à l’égard de sa propre culture, cela l’est encore moins lorsque nous n’appartenons pas à cette culture. Cela peut être, et est souvent, reçu comme des injures et des insultes, lesquelles participent de ce choc non pas des civilisations, mais des «incultures» si menaçant aujourd’hui. Pourquoi ces critiques sont-elles considérées comme des offenses? Il ne s’agit pas, chez ceux qui se considèrent comme offensés, de se cacher trop vite, trop facilement derrière l’accusation de blasphème pour justifier ensuite n’importe quelle interdiction. Après tout, une parole ou un dessin ne produisent pas de violence au sens strict et physique du terme.
De l’autre côté, nous pouvons nous demander dans quelle mesure ceux qui émettent ces railleries tiennent-ils encore compte de la notion de «sacré» encore si vivace chez d’autres ? La désacralisation serait-elle devenue, à ce point, sacrée qu’elle en aveugle toutes  les critiques?  Si tout est traité non par la dérision, mais par la légèreté, et surtout par le comique, cela peut finir par ressembler, à mon sens, à de la vulgarité. C’est-à-dire à une forme d’insensibilité qui touche au tragique. Pis, et c’est ce qui est dangereux, à de l’humiliation. De ces humiliations qui produisent la violence diffuse. La violence qui touche à l’intime. De la violence qui entasse les frustrations pour demain.
Cette humiliation est d’autant plus fortement ressentie que celui qui émet la critique laisse celui à qui il l’adresse sans contre-pouvoir. Il le discrédite dans sa propre parole. Or, le véritable respect ne consiste pas seulement à respecter l’autre, mais aussi à honorer ce que l’autre respecte. Est-il juste de prétendre respecter l’autre en le déshabillant ? Est-il juste de railler ce qui prend valeur à ses yeux et qui fait sens dans son existence ?
Entre idéal et réalité religieuse, il y a un grand écart qui ouvre un flanc à la discussion et, de ce fait, à la critique. Il est nécessaire pour chacun d’entre nous d’«entendre» les critiques y compris quand elles ne paraissent pas fondées et quand elles heurtent la sensibilité d’un tout à chacun.
En toute philosophie, la religion y compris, se trouve une sagesse qui regarde passer les caravanes de l’ignorance sans s’émouvoir. Cette sagesse pourrait trouver dans sa tradition la réponse aux troubles de l’âme que génèrerait l’autre : un «autre» qui paraît parfois ne pas vouloir connaître. Faire face à ce «choc des ignorances» est possible.    

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