Chroniques

Autrement : Du mythe du retour au rite de retour

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Ils sont français, hollandais, allemands, italiens ou espagnols. Mais chaque été, ils redeviennent d’abord des Marocains qui n’ont qu’une envie, qu’une hâte : retrouver le pays de leurs origines. La différence, c’est qu’ils ne sont plus comme leurs parents dans le rêve du mythe du retour, celui que tant de générations passées ont porté durant de longues années. Ils n’ont plus, pour une grande majorité d’entre eux, cette envie enfouie que pouvaient avoir leurs parents de retourner vivre un jour «au pays». Si la «deuxième génération» a été épargnée de ressentir ce fameux «rêve du retour», ces jeunes et moins jeunes immigrés ont cependant besoin, eux aussi, de revenir de temps à autre sur la terre de leurs parents, celle où tout a commencé, celle d’où tout est parti. Celle où est restée, gravée, l’empreinte de leurs parents et de leurs ancêtres.
Pourquoi ce besoin de revenir se souvenir ici, aujourd’hui hui, de cette empreinte? Peut-être parce que là bas, dans ces pays où ils vivent (communément dénommés  « pays d’accueil» !), ils sont encore un peu en transhumance, même lorsqu’ils y sont nés. Force est de constater que la mémoire de l’histoire de leurs parents, de ce qu’ils ont vécu et apporté à ces pays d’accueil, est encore en construction. Ils sont entre une mémoire qui n’existe plus, qui est celle du lieu quitté par leurs parents (ou par eux-mêmes), et celle de l’endroit de résidence, qui elle, est en devenir. Il s’agit en quelque sorte de se souvenir de l’empreinte pour éviter une vie d’emprunt.
Il y a besoin aujourd’hui d’inscrire la présence de ces populations avant tout dans le pays d’accueil, non seulement comme un hommage à ceux qui les ont précédés, mais aussi, et peut-être surtout, comme un témoignage pour les générations encore à venir. Cette patrimonialisation  de la présence de ces jeunes générations d’immigrés maghrébins est une étape nécessaire dans la plupart des pays européens, afin de marquer l’ancrage de la mémoire de ces peuples dans ces pays, d’y légitimer leur présence, d’y faire exister leur histoire. Une étape qu’ils sont encore beaucoup à n’avoir pas franchie aujourd’hui.  Lorsque dans le patrimoine architectural, musical, cinématographique de ces pays européens, les immigrés, marocains ou autres, auront leur place pleine et surtout reconnue, ce manque de mémoire en terre d’accueil sera enfin comblé. Et en attendant, le rite du retour annuel au pays d’origine marque, même de manière inconsciente, la recherche du lien à cette mémoire du lieu quitté qui s’évanouit peu à peu, et se transforme de génération en génération.
Et ce rite annuel est plus que jamais vivant; à mesure que le mythe du retour s’éloigne.

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