Chroniques

Autrement : Sidna Aïssa

© D.R

D’ailleurs, presque partout Noël est devenu un tel enjeu commercial qu’il devient difficile de ne pas y participer d’une manière ou d’une autre. Le langage s’adapte. Dans les pays européens, très déchristianisés, on parle des «fêtes de fin d’année» pour désigner Noël et l’achèvement de l’année civile. Les plus critiques contre cette évolution sont souvent des… croyants chrétiens, qui estiment qu’elle trahit le sens de Noël.
Les musulmans peuvent-ils fêter Noël? Les responsables religieux de l’Islam sont méfiants. Ils craignent la confusion. En effet, Noël, fête de la Nativité du Christ, rappelle aux chrétiens l’«incarnation» de Dieu lui-même. Dieu «s’est fait chair» en Jésus de Nazareth. Une affirmation inacceptable pour l’Islam. Du coup, Aïssa est à la fois celui qui réunit et celui qui sépare chrétiens et musulmans. On le voit bien avec les noms arabes donnés au «fils de Myriam». Le «Aïssa» du Coran devient «Yassu» chez les chrétiens arabes. Pourquoi cette différence? Plusieurs thèses s’affrontent. «Yassu» serait plus proche de l’hébreu «Yeshoua», le nom juif de Jésus. «Aïssa» serait-il une forme proche, sans plus, de ce mot? Ou bien le Coran a-t-il écarté volontairement un nom hébreu ambigu, qui signifie «Dieu-sauve»? Selon certains chercheurs, «Aïssa» serait à rapprocher de «Al Eis» (Esaü), fils d’Ishaq (Isaac) et frère jumeau de Yacoub (Jacob). Toute une tradition juive présente les chrétiens comme les «fils d’Esaü». Néanmoins, l’Islam n’a jamais repris cette tradition d’Al Eis. Enfin selon d’autres chercheurs, on trouve encore, aux frontières de l’Irak et de l’Iran, une communauté religieuse très ancienne, les Sabéens ou Mandéens, se réclamant de la postérité spirituelle du prophète Yahya (Jean), cousin de Jésus. Ce dernier appelle le fils de Myriam «Aïssa». Mais cette communauté a-t-elle pris ce nom à l’Islam, ou nommait-elle ainsi Jésus bien avant la révélation coranique?
Cette hésitation sur le nom révèle aussi les incertitudes historiques sur «Aïssa». Plus proche de nous dans le temps, le Prophète Mohammed est mieux cerné dans son «historicité», sa vie historique, malgré bien des points obscurs. Jésus, lui, vient encore du monde dit «antique». Malgré quelques indices historiques crédibles, on sait peu de choses sur lui. Les chrétiens sont obligés de se fier au témoignage de ses «premiers compagnons», les Apôtres, tel qu’on le trouve raconté dans les Evangiles. Ce récit a été tourné et retourné dans tous les sens par les historiens et les exégètes. Beaucoup de questions demeurent sur la naissance, l’enfance, la famille, la vie publique et  la mort de «Aïssa». Cela dit, on voit bien que dans une religion, l’histoire n’est pas tout. Des millions de croyants chrétiens fêtent la nativité de leur Seigneur, et des milliards d’hommes célèbrent la fête de Noël. Cela peut nous donner à réfléchir, à nous Musulmans… En attendant, bonne fête aux chrétiens !

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