Chroniques

Autrement : Un fondamentalisme peut en cacher un autre…

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Il n’a encore été vu par personne, mais il fait déjà scandale. Le film du député hollandais Geert Wilders, leader du Parti de la liberté (PVV) qui compte 9 élus au Parlement, fait beaucoup parler de lui depuis quelques jours. D’une durée d’à peine 15 minutes, il serait une diatribe violente contre le texte coranique, considéré comme source de violences, de haines, et d’obscurantisme. Geert Wilders en prévenant qu’il arrivait quelque chose au Prophète de l’Islam,  ébranle un peu plus l’équilibre des relations entre le monde musulman et le monde non musulman, équilibre déjà bien entamé par l’affaire des caricatures et le discours du pape à Ratisbonne.
Pourquoi persister à alimenter les ruptures au moment où l’heure est à la critique constructive? Geert Wilders semble réduire la liberté d’expression au droit de tout dire, y compris des invectives qui non seulement sont blessantes pour une majorité de musulmans, mais qui en plus ferment davantage les portes du dialogue. Qu’espère-t-il donc en appelant depuis août dernier à interdire le Coran, qu’il compare à «Mein Kampf», la référence des nazis ? Je répondrai à cela en disant que  le Coran n’appartient pas qu’aux musulmans : il fait partie des trésors de l’humanité, de l’histoire de l’humanité. A ce titre, il peut être lu, analysé et interprété par tous. Ce travail doit être fait avec humilité, et non avec cette arrogance ou cette supériorité affichée par ceux qui voudraient apprendre aux musulmans comment être de bons musulmans…voire même comment ne plus être musulmans. Depuis la naissance des idées modernes sur la liberté (Renaissance occidentale au XVIème siècle), la liberté d’expression  a toujours été jugée inséparable du respect de la dignité des autres. Ce n’est visiblement  pas ce qui ressort de l’attitude de Geert Wilders.
Mais le plus grave est ailleurs ! En réduisant comme il le fait le Coran à un message de haine, il fait peut-être sans s’en rendre compte, la même chose que les extrémistes qu’il entend dénoncer. Il utilise de manière sélective certains éléments pour appuyer son réquisitoire contre l’Islam. Il retient certains des éléments du Coran et de la tradition sans les mettre en perspective ni historiquement, ni épistémologiquement. Il pratique le «fondamentalisme textuel». De ce point de vue, le sien n’a rien à envier à celui de nos fondamentalistes. Pire encore, Geert Wilders affiche  un mépris terrible de la manière dont le Coran a été vécu par les musulmans au travers des siècles. Il veut imposer sa propre lecture, du reste essentiellement politique, en faisant fi de toutes les interprétations plurielles qui ont existé par le passé et qui existent encore aujourd’hui.
Il faut donc en finir avec ces postures qui menacent le dialogue et annulent les efforts passés et actuels pour ouvrir le monde musulman à des lectures plurielles. En essentialisant le Coran, ses lectures et ses interprétations, on donne raison aux intégristes en validant leur méthode. En d’autres mots, le fondamentalisme n’est pas toujours celui que l’on croit.

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