Chroniques

Label marocanité : L’accessoire et l’essentiel

Le désir d’Europe a poussé la Turquie, avec à sa tête Recep Tayyip Erdogan, vers la réalisation d’importants progrès en matière de respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
L’abolition de la peine de mort, la suppression des tribunaux de sûreté nationale, les réformes en matière de liberté d’association et de presse, l’adoption d’un nouveau code pénal sont des réformes de ces dernières années. Et si ces réformes sont à mettre au crédit de la majorité AKP, parti à l’islamisme doux, elles n’en sont pas moins une mise à niveau des lois dans le but d’atteindre et d’améliorer les questions de libertés fondamentales selon les standards internationaux.
Le débat sur le référendum de la Constitution européenne, avec tout ce qu’il a charrié comme problématique identitaire et où on a fait jouer à la Turquie le mauvais rôle de repoussoir, a momentanément différé la question de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Du coup, chasser le naturel, il revient au galop.
Avant-hier, le Parlement turc a adopté un amendement à la Constitution autorisant les étudiantes à porter le voile à l’université. C’est ce qu’on appelle avoir la suite dans les idées ou ne pas perdre le fil. Là, il n’est plus question pour l’APK de dissimuler sa vraie nature pour séduire mais de revenir à ses fondamentaux. En adoptant massivement cet amendement (404 voix pour, 92 contre) Recep Tayyip, Abudellah Gül et l’APK s’attaquent enfin à la laïcité, cette citadelle qui a fait de la Turquie une des exceptions du monde musulman. C’est dans le même temps la suite logique de la crise qu’a connue la Turquie au printemps dernier, lorsque l’APK a tenté d’imposer au Parlement son candidat à la présidentielle, Abdullah Gül, dont la femme porte le voile et que, face à l’impasse, le gouvernement a déclenché des élections qui vont être remportées haut la main par l’APK, avec en prime l’élection de Gül comme Président du pays.
Cette attaque en règle contre la loi fondamentale injecte dans la Constitution une forme de discrimination, positive ou négative, allez savoir, étant entendu que le port du voile ne s’adresse qu’à une catégorie de la population, ici les femmes et plus précisément une partie d’entre elles. On peut être pour ou contre l’idée de laïcité, qui elle même n’est pas dénuée de ressorts idéologiques. Mais force est d’admettre qu’elle s’adresse à tous. Se bagarrer pour permettre le voile dans les institutions publiques ou l’université, avec pas moins de ressorts idéologiques,  ne s’adresse, qu’on le veuille ou non, qu’à une catégorie. Ceci est de nature à subtiliser à la Constitution une part de son caractère fondamental.
La vraie ligne de partage n’est plus entre la gauche et la droite. Elle est entre conservatisme et modernité. Le monde musulman est comme piégé par cette équation. Quand les autres, c’est-à-dire les pays développés, se retournent vers la société de la connaissance et l’économie du savoir, le monde musulman barbote, comme un bébé, dans la bassine de ses traditions et continue à faire de ses accessoires l’essentiel.

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