Chroniques

Label marocanité : Retour par Ceuta

© D.R

Quitter le Maroc après les vacances d’été n’est plus une déchirure comme autrefois. Le retour provoque certes un petit pincement lové subrepticement dans les entrailles. Mais, dans une famille de Marocains de l’étranger, les enfants sont généralement heureux de reprendre la route sachant qu’au bout, cette fois-ci, ils retrouveront leurs copains, leurs quartiers, leurs habitudes…. Et puis, avec les autoroutes européennes, l’amélioration du parc véhicule doté de climatisation, d’espace et d’habitacle sonorisé, le long voyage de retour est plus un périple qu’une épreuve… Après avoir laissé derrière nous Tétouan en fête patriotique, Capo Negro qui retient l’été, Fnideq, cette minuscule Tijuana. Voilà Sebta la marocaine…euh ! Ceuta en espagnol.  …
Après deux heures de formalités marocaines, on rentre dans le camp espagnol.…. Deux ouvriers ibériques s’activent pour finir le mur de barbelé dressé autour de la douane. La vue de ces boyaux d’épines métalliques est pénible, choquante et révoltante. Ici, l’Europe se protège. Mais le soin qu’elle apporte, en matière de communication politique devant ses opinions, n’est pas nécessaire ici. L’Europe sait mieux que quiconque la signification des barbelés, des chiens. Ce sont traditionnellement les instruments de la brutalité et de la haine qui, dans ce morceau confisqué du Maroc, prennent une apparence de bienséance…
En dix ans, on a démoli le mur à l’Est pour ériger une muraille d’épine au Sud….
 Le port de Ceuta est un espace de soupçon. Tout laisse penser que le contrôle est conçu pour les hommes, pas pour les marchandises. Ici la mondialisation dévoile sa silhouette féroce et inhumaine. L’écart colossal de développement entre les deux hémisphères de la planète n’est pas une chose théorique. A Ceuta, ce concept revêt une forme matérielle, tangible, organique… Les réunions de Davos devraient se tenir à Ceuta. La grande bleue avale notre bateau trois quarts d’heure durant. Algesiras, autre étape de contrôle, qui se renforce d’année en année. Et ce n’est pas fini. Pour lutter contre les Pateras, il est question maintenant de développer un système intégral de surveillance extérieur (SIVE). Un mur de blindage électronique dont le coût est estimé à 20 milliards de pesetas, (environ 1milliard 180 millions DH). Il s’agit de construire trois tours dotées de radars, de caméras thermiques et à infrarouges, connectées à des moyens de contrôle capables de détecter les intrus dans un rayon de dix kilomètres à l’intérieur de la mer. Schengen est en marche.Les formalités de douanes et le décalage horaire prennent huit heures pour quelques kilomètres de traversée. La route peut enfin commencer dans une Europe qui se sanctuarise. La mer est derrière nous. Le Maroc aussi. Le soleil rouge sombre doucement dans la nuit. Les enfants somnolent.… Dorénavant, notre voiture n’enjambera plus de frontière.
Août 2001

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