Chroniques

Mieux vaut en rire : Tout va bien, rien ne va

© D.R

On dit souvent que le Maroc est le pays des paradoxes, et on a bien raison. En effet, on dit tout et son contraire. Mes concitoyens, comme moi-même, avons l’art de cultiver le sens de la contradiction. En général, la majorité n’est pas contente de sa situation, ni de celle du pays, mais c’est cette même majorité qui défendra en levant la voix, et parfois, en levant la main, que le Maroc est… le plus beau pays du monde. Eh oui ! Ce fameux slogan qui est en passe de devenir un vrai dicton, n’est pas, comme on pourrait le croire, une création d’un quelconque créatif de pub en mal d’inspiration, mais bien une retranscription d’une croyance populaire quasi consensuelle. On ne le dit pas toujours forcément comme ça, mais quels que soient la manière, la tournure, le dialecte ou le ton, le sens est invariablement le même : le Maroc, il n’y a pas son égal ! Certains tiennent même à jurer leurs grands dieux qu’il n’y a pas mieux. Pourtant, ce sont souvent les mêmes, parfois le jour même, qui vous avoueront qu’ils n’ont qu’une seule envie, c’est de f… le c… de ce pays ! Oui, je sais ce qu’on me dira, que «c’est ça qui fait le charme du Maroc». Moi, je veux bien que ce soit charmant de se contredire à longueur de journée, mais à condition de ne pas rester sur place à intercaler mécontentement et émerveillement dans un bel unanimisme béant et bêtifiant. Un pays qui ne sait pas ou ne veut pas savoir dans quel état exact il est, risque de rester éternellement dans le même état. D’ailleurs, les responsables de l’Etat sont tout autant responsables de cet état de choses car ce sont souvent eux qui répètent à ceux qui veulent bien les entendre, justement, qu’il n’y a pas trop à s’inquiéter car tout va à merveille, même si, il faut le dire, ça ne va pas si bien que ça. Bref, administration comme administrés, nous sommes tout le temps, tous contents et tous mécontents, et nous sommes fiers de l’avouer, mais, au même moment, nous ne savons vraiment pas à quel saint nous vouer. Tenez ! Depuis que la pluie tombe en trombes ces derniers jours, tout le monde applaudit ou pousse des youyous, tout joyeux des bienfaits qui devraient théoriquement en suivre et, en même temps, tout ce beau monde, mais en plus virulent, proteste, les uns  en raison des chaussées trop trempées, les autres pour leurs caves profondément inondées, et d’autres encore pour leurs vacances de l’Aïd ratées. Puisque je parle de vacances, j’en connais qui, après avoir séjourné quelques jours hors de chez eux, dans des palaces, ou, pour les plus nécessiteux ou les plus pingres, chez leurs familles généreuses, en retournant chez eux, se morfondent en voyant leurs mômes tourner en rond en leur demandant… des ronds. Mais, pourquoi, bon sang, râlent-ils, les écoles ferment-elles tout ce temps ?!? C’est vrai, moi-même, je me le demande, car, entre-temps, ces écoles, qu’elles soient publiques ou privées, sont payées à ne rien faire, et les parents, les riches, mais surtout les pauvres, continuent de casquer du fric pour leurs enfants parce qu’ils n’ont rien d’autre à faire! C’est vraiment du n’importe quoi ! Non, je ne m’énerve pas ! D’ailleurs, je n’ai absolument aucune raison de m’énerver, d’autant plus que je suis comme vous, enfin, je veux dire, je suis comme tout le monde, je pense qu’après tout, qu’il pleuve ou qu’il ne pleuve pas, que la vie soit chère ou pas, qu’on bosse ou qu’on ne bosse pas, que le gouvernement pense à nous ou pas, que les impôts nous tombent dessus et ne nous ratent pas, il faut continuer de crier, jour et nuit, que, c’est vrai, on vit bien dans le plus beau pays du monde, d’ailleurs qu’on soit d’accord ou pas.  Bon week-end les bien chanceux.

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