Chroniques

Un vendredi par moi

Le voile ou le bikini, est le titre de l’émission que l’opérateur audiovisuel public français, France 2, a consacré au Maroc. Pouvait-on imaginer pour nous une autre alternative que ce choix cornélien ? Par exemple, pile et secteur ou encore ni en bikini ni en voile, mais à vapeur. Il n’y a pas de quoi rire, le dilemme est réel. Toutefois, la fille de son père, Nadia Yassine, qui va encore me trouver obscène, s’y plaît et s’y complaît. Elle s’en amuse même, la bien- heureuse. Dans un grand éclat de rire à l’adresse du journaliste de France 2, elle s’écrie : «Non, nous ne sommes pas tous des royalistes.» Suit la question qui va de soi. «Etes-vous des républicains?» La réponse tombe sous le sens. «Un, deux, trois : oui» a chanté de nouveau la Nadia islamiste en chœur avec ses convives religieusement vertes et politiquement pas mûres. On aurait dit une chorale vaudevillesque, certainement en souvenir du bon temps où, au lycée Descartes, elle laissait ses fines doigts câliner le clavier du piano. Personnellement, j’ai une autre façon de rimer un, deux, trois, c’est vive le Roi. Mais qu’importe, l’essentiel est qu’on apprend qu’elle a ses moyens propres de prendre du plaisir. Son pied ? «Passer [son] temps à enquiquiner le régime marocain.» Ne boudez pas votre plaisir, c’est un progrès. Avant, elle cherchait à le déstabiliser, maintenant, juste l’importuner. Sur cette voie lactée, elle troque son statut d’égérie contre celui d’enquiquineuse. Comme quoi les voiles du Seigneur restent impénétrables. Sauf pour ceux qui ne se résignent pas à la fatalité de l’immaculée conception.

Des voix pénétrables : le vote des électeurs qui se sont «abstenus» de dire leur mot. On a beaucoup glosé sur le fort taux d’abstention. Sans précédent, dit-on en substance. Je peux comprendre que le vénérable The Economist londonien se fourvoie en comparant ce taux à celui de 1984 qui aurait dépassé les 60%, mais ceux d’ici ! Auraient-ils oublié qu’à l’exception des législatives de 2002, avant lesquelles la suspicion était encore de rigueur, la règle a été le bourrage des urnes, le déplacement forcé des populations rurales vers les bureaux de vote, l’entregent des agents d’autorité à contraindre les électeurs des quartiers périphériques, les morts qui donnaient leurs suffrages ? Naturellement, des scrutins référendaires à 99,99% de participation et autant de votes d’acquiescement aux 37% de 2007, le choc est dur, mais pas au point d’atteindre la mémoire. On peut tout voir dans cette abstention, y compris le plaisir d’électeurs qui, pour une fois, ayant désormais la latitude de participer ou de ne pas voter, ont jouit sans retenue de la nouvelle liberté.

L’essentiel est ailleurs. Le ministère de l’Intérieur dispose d’une base de données sur les électeurs exhaustive et fiable. En dehors du million de bulletins nuls, il lui est facile de déterminer le profil de ceux qui ont voté, pour qui et pourquoi. De même qu’il peut fixer avec précision l’ADN sociopolitique des abstentionnistes, leur moyenne d’âge, leur sexe, leur provenance géographique, leur profession, leur couche sociale, et avec la contribution de la direction des statistiques relevant du Haut Commissariat au Plan, sonder leurs motivations. On imagine qu’il le fera pour affiner à la lumière des nouvelles évolutions les résultats du dernier recensement. Reste à savoir si les partis politiques sauront puiser dans cette base de données pour approfondir leur compréhension des attentes des populations et mieux maîtriser les ressorts de comportements politiques des électeurs ?  

 

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