Chroniques

Un vendredi par moi

Mountada Assahafa (Forum de presse), magazine de la chaîne France 24 en arabe, a consacré son émission du jeudi 11 février à la faillite du Journal Hebdo. Le titre est d’une éloquence exquise : «Maroc, l’étouffement financier de la presse ?» Ne vous laissez pas prendre par l’illusion, le point d’interrogation qui ponctue l’intitulé de l’émission ne signifie rien et lui-même devait s’interroger sur la raison de sa présence à la fin de cette phrase. Tout au long de l’émission (commandée ?), les téléspectateurs vont assister à la confirmation de l’énoncé interrogatif. Sur le plateau, une animatrice, Tatiana Massad, qui peine à dissimuler son parti pris mais l’effort est louable. Et comme il se doit, Aboubakr Jamaï dans son rôle habituel, effronté jusqu’au bout des ongles. En face de lui, un certain Medzioui, illustre inconnu qui nous est présenté comme écrivain et journaliste. Mais il tient sa position de caisse de résonance, pas tellement sollicité il est vrai. Par téléphone de Rabat, Taoufik Bouachrine qui raconte sa mésaventure avec son journal Akhbar Alyawm mis sur les rotules pour ce qu’il appelle une simple caricature. Il affirme du bout des lèvres qu’il est partiellement, mais alors vraiment partiellement, en divergence avec la ligne éditoriale du Journal Hebdo  et omet tout bonnement de préciser que pour ce qu’il définit comme une  simple caricature, il a dû demander pardon.
Enfin, depuis Casablanca, toujours par téléphone, le rédacteur en chef d’Aujourd’hui Le Maroc, Omar Dahbi, unique voix dissonante. Il ramène l’affaire à sa juste dimension : une histoire de fisc, de reversement de la TVA à l’Etat et de payement des cotisations pour la retraite des salariés. Par la même occasion, il réussit, mais de justesse avant qu’on lui coupe le téléphone, à donner à l’animatrice un cours sur la vérification et le recoupement de l’information dans le journalisme. Elle s’en sort par une chicane : «je ne fais que répéter ce qu’on dit.» Bêtement, aurait-elle pu ajouter. Plus tard, ou plutôt, elle lui dira qu’elle s’étonnait qu’un journaliste ne se solidarise pas avec un autre journaliste. Et pourquoi ne demanderait-on pas à un boucher honnête d’apporter son soutien à un boucher qui vend de la viande avariée ? On hésite entre rire d’un métier ou pleurer sur une profession de l’on raconte.
Au début et avec une telle faune, on espérait un débat contradictoire et équilibré. On assiste en fait à son simulacre. La recette est éculée : on a un invité vedette qui va déblatérer en direct autant qu’il veut, une animatrice qui lui sert les assiettes, deux autres amis puisés dans la fratrie pour lui tenir la chandelle, et enfin un invité alibi qui pourra intervenir autant que le lui permettra l’opérateur téléphonique de la chaîne, en somme une poignée de secondes. Si bien qu’on se retrouve devant une émission partielle et partiale, et ici on est presque sûr que ce n’est pas l’idée que se fait du débat pluriel l’Audiovisuel Extérieur de France dont relève France 24.

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