Chroniques

Un vendredi par moi

Quand les islamistes s’inspirent d’un film de Costa Gavras, «l’Aveu» dans lequel a excellé en 1970  Yves Montand. Acte I. Un ancien islamiste d’Al Adl Wal Ihsane, avocat de son état, poursuit ses ex-frères de l’organisation de Abdeslam Yassine pour séquestration, simulacre de procès et menace de mort avec simulation de l’exécution parce qu’il aurait manifesté le désir de quitter le mouvement. Vrai, faux, la justice dira son mot. Acte II. Pour leur défense, les adlistes nient les faits et assurent que l’avocat en question appartenait effectivement au mouvement, mais qu’il en avait été exclu lorsqu’il se serait avéré faire de l’entrisme pour le compte des services de sécurité. Vrai, faux, l’histoire le dira, ou pas. Toujours est-il  que la manière dont Hassan Benajeh,  directeur du bureau porte-parole du groupe de Yassine et membre du secrétariat général du cercle politique de la Jamaâ, contre-attaque* en dit long sur les méthodes des disciples de l’ex reclus de Salé. Les services auraient monté de toutes pièces ce procès pour camoufler leur bide, dont on aurait par ailleurs rien su si l’avocat n’avait pas porté plainte, et justifier ainsi une offensive contre le mouvement qui aurait montré sa toute puissance lors de la manifestation de la flottille pour Ghaza que des journalistes stipendiés, dont votre serviteur, tenteraient de minimiser. M. Benjeh peut s’auto convaincre, après tout, la méthode Coué a été inventée à cette fin. Mais les faits sont têtus. Au vu de la dernière manifestation, Al Adl Wal Ihsane, pour tout observateur lucide qui ne se laisse pas impressionner par la parade, a beaucoup perdu. La kawma rêvée par le cheikh et défaite par la solidité de l’Etat y est pour beaucoup. Epilogue. De tout temps, l’infiltration des mouvements suspects, avec ses échecs et ses réussites, fait partie de l’art du renseignement. A l’heure où j’écris, j’ai l’intime conviction que des infiltrés dans Al Adl Wal Ihsane et dans d’autres mouvements sont à pied d’œuvre. Quand il arrive que l’affaire soit démasquée, elle se règle souvent par le silence. C’est pour cela que dans le cas présent, je suis plus porté à croire l’avocat séquestré  qu’à suivre les élucubrations du porte-parole d’Al Adl. Le mouvement si prompt à faire d’une paille un brasier aurait allumé l’incendie communicationnel le jour même de la découverte de «l’infiltration». Un mouvement qui n’hésite pas à traiter de stipendié sans autre forme de procès que l’excommunication, tout journaliste qui ne se fait pas l’écho de ce que le cheikh et ses disciples veulent entendre, est tout à fait dans la logique d’un procès kafkaïen tel que le décrit l’avocat séquestré. Il suffit de lire sa littérature ou de visiter ses sites pour comprendre qu’un mouvement fondé sur l’infaillibilité du guide et la soumission totale au maître se retrouve naturellement dans la reproduction du fonctionnement des systèmes totalitaires à la stalinienne qui ont inspiré à Costa Gavras son film l’Aveu : toute divergence, toute dissonance et parfois l’expression d’une rivalité deviennent collision avec l’ennemi et péché mortel.

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