Culture

La complicité du comédien

Un acteur peut voler la vedette à l’auteur. Cela s’est vu souvent au théâtre où des comédiens font de l’ombre aux dramaturges. Cela se voit très rarement à la lecture de textes non dramatiques. Pourtant les personnes qui ont assisté à la lecture du dernier roman de Abdellatif Laâbi, «Le fond de la jarre», par le comédien François Marthouret ne savaient plus s’il fallait se féliciter d’un texte à la teneur savoureuse ou d’une interprétation enchanteresse. Cela n’est guère étonnant. François Marthouret est un grand comédien. Il a travaillé avec les plus grands metteurs en scène. Il suffit de citer le nom de Peter Brook, l’un des meilleurs metteurs en scène en Europe, pour s’en rendre compte. Un texte, quand il est bien interprété, doit autant à celui que l’a écrit qu’à celui qui le lit. Le lecteur rehausse la qualité du texte, lui restitue sa saveur, permet une écoute qui sollicite aussi bien l’ouïe que l’oeil. Il transforme un moment de littérature en fête des sens.
Cette lecture a été rendue possible grâce à un partenariat entre l’Institut français de Casablanca et l’association «Texte et voix». Le but de cette association est de faire découvrir aux lecteurs des textes qui n’ont pas été écrits pour être joués, dans l’espoir de les inviter à les lire. Cette invitation est devenue irrésistible grâce l’interprétation de François Marthouret. Ce dernier possède un timbre de voix qui impose une écoute attentive. Et puis, il dramatise les dialogues, multiplie les intonations pour ne jamais endormir l’auditeur au rythme d’une lecture ronronnante ou monocorde. Ce comédien n’a pas ennuyé un seul instant pendant près d’une heure et demie de lecture. Il ajoute de la tension aux passages qui s’y prêtent, restitue leur saveur aux nombreuses phrases plaisantes. En plus, François Marthouret ne se contente pas de dire. Il s’exprime aussi avec son corps. C’est ainsi qu’il se lève parfois pour ajouter de l’expression aux mots de l’auteur. Il utilise ses mains, serre les poings, lève les bras. C’est un lecteur qui vit au rythme des passages qu’il lit, et qui sait communiquer la vie du livre à ceux qui l’écoutent. Il n’hésite pas de surcroît à s’emporter dans sa lecture, rougit aux passages qui lui réclament d’élever la voix.
D’un autre côté, « le fond de la jarre » est un livre autobiographique. Il y est question de Fès, de la famille du narrateur, et des truculences relatives aux trouvailles verbales de son entourage. Ce roman correspond à une espèce de plongée dans l’enfance du narrateur. Une reconstitution de ses souvenirs. Le titre s’explique à la découverte des pages du livre. Il s’agit de toucher le fond de la mémoire pour en extraire des souvenirs. Ces souvenirs sont franchement rocambolesques. Abdellatif Laâbi, qui a assisté à la lecture de François Marthouret, ne pouvait retenir son rire. Il goûtait, redécouvrait son texte à travers la voix du comédien. Le ton gai de cette lecture a été par la suite rompu par la lecture que Laâbi a faite de deux poèmes inédits.
Ces poèmes sont extraits de ce que le poète appelle son «carnet poétique». L’usage qu’il fait de ce calepin présente des parentés avec les carnets de croquis ou de dessins des peintres. L’écrivain y enregistre quotidiennement, sur un mode poétique, ce qui le touche dans l’actualité. Il a lu un poème très touchant, dédié à ses amis palestiniens. Le ton ne tenait pas du récit savoureux, mais d’une situation intenable. À signaler que François Marthouret va lire ce 10 mai à 19 h à l’IFC des extraits de textes de Edmond Amran El Maleh – en présence de ce dernier. Un autre moment de grande littérature en perspective.

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