Culture

L’illustre invité de Chaïbia Adraoui

© D.R

Comme j’ai pris la décision de m’isoler des hommes, je ne ressens plus l’envie d’inviter une personne. Mais j’ai besoin d’ouvrir mon coeur. Que je le veuille ou non, je reste une comédienne, nourrie de références théâtrales. À cet égard, je voudrais inviter comme l’a fait Don Juan de Molière une super-puissance. Oui, je voudrais convier à ma table de f’tour le Bon Dieu ! Je suis profondément croyante, et il n’y a aucun sacrilège à réclamer la présence du Très-Haut, quand on le fait dans la piété et la dévotion. Je m’éloigne peu à peu de la terre. Je ne suis plus concernée par ce qui se passe autour de moi. L’homme m’a déçue, m’a blessée. Il n’y a plus d’écoute. J’ai rencontré des amis que je n’avais pas revus depuis 15 ans. Quelle émotion ! J’éprouvais le besoin de combler le temps où l’on ne s’est pas vu en se racontant tout. Hélas, ils m’embrassent et s’en vont. Les hommes sont pressés. Ils courent, ils courent ! Après quoi ! L’argent, un peu de confort matériel ! Mais dans quel état arrivent-ils à leurs fins ! Dans quel état ! Et surtout à quel prix ! Je veux entretenir mon illustre invité de l’Homme qui est abandonné de Dieu. De cet homme qui a perdu le goût de la paix et du repos. De cet homme qui est dans une continuelle “jedba” (transe), et qui ignore qu’il vit depuis longtemps dans un état second. Je n’ai pas de rancune. Je n’en veux à personne. Plus rien ne m’intéresse. Je suis démissionnaire. Je veux que Dieu m’explique comment est-ce que l’homme en est venu à préserver si peu d’humain en lui. Comment est-ce que les hommes fuient l’essentiel pour se noyer dans des considérations périphériques. Même les personnes instruites, ces intellectuels qui parlent comme un livre, sont plus sensibles aux jeux de mots qu’aux maux de ceux qui les entourent. Un sentiment ne vaut à leurs yeux que par la manière de le formuler et non pas celle de l’éprouver. On s’éloigne de l’essentiel ! Je pense que Dieu doit être attristé par ce que nous sommes devenus. Quant à moi qui reste dans mon métier en invitant Dieu à ma table, je vais me permettre une réflexion sur le théâtre. Il n’y a jamais eu de rôle féminin dans le théâtre marocain. Il y a juste des apparitions de femmes. Depuis que j’exerce ce métier, je n’ai pas croisé un seul auteur soucieux de créer un vrai personnage féminin. Genre de personnages qui écument les planches, et entrent dans la langue pour désigner un caractère ou un comportement. Il ne faudrait pas croire que mon isolement des hommes tient à un ressentiment ou à une rancune. Je suis en paix avec moi-même, bien dans ma peau. Quand on arrive à mon âge, on sait que l’on ne peut rien changer au monde, mais on espère réveiller les consciences.

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