Culture

Nabili sur les traces de Mohamed Drissi

© D.R

C’est du « pur NABISSI», lance un visiteur lors du vernissage, mercredi soir à la galerie « Au 9», de l’exposition de Nabili organisée en hommage à Mohamed Drissi, quatre ans après son décès mystérieux dans un métro parisien. Un autre visiteur a dû puiser dans le jargon théâtral pour commenter un travail pour le moins troublant : «Nabili a bien campé Drissi» ! «S’agit-il d’une réincarnation ?», s’interroge un troisième, philosophique.
De mémoire de grand habitué des expositions, rarement un vernissage n’aura suscité autant de perplexité. Un véritable «festival» de questions se déchaîne ! Nabili a dû se retrancher derrière un silence significatif. «Libre à chacun d’interpréter l’œuvre à sa manière, mais je dois quand même dire que l’œuvre, c’est du Drissi vu autrement», nous a-t-il précisé. Ni «réincarnation», ni «reproduction», seulement une question d’identification à un compagnon de route qu’il a aimé, admiré, voire adoré. Car, Drissi et Nabili gardent deux styles différents. Drissi fut expressionniste, alors que Nabili est resté plus saharien et donc partisan d’un art plus abstrait.
L’un et l’autre font pourtant corps ici. On ose dire que de cette rencontre a jailli un nouveau courant : une sorte de mélange entre l’expressionnisme et l’art abstrait. A bien méditer sur leurs œuvres accrochées aux cimaises de la galerie «Au 9», on retrouve certes «beaucoup de Drissi».
Une œuvre ardente, confuse, compliquée et, par-dessus, tumultueuse, à l’image de la vie même de son auteur : Drissi. Obsédé par l’éternel féminin, il nous en restitue des visages avec des expressions tragiques. Nous sommes face à des corps androgynes, dépouillés de leur chair pour n’en garder que les os, avec des têtes peintes sous forme de masques. Le récepteur ne sait pas s’il doit en rire ou en pleurer.
La lisibilité est trouble, comme l’est d’ailleurs le monde où l’on vit. Comme Drissi, l’éternel voyageur, Nabili, orphelin de père et  de mère dès sa plus tendre enfance, a vécu en vagabond. Simplement, Drissi garde un peu d’humour. En faisant ôter le masque à ses personnages, il jette à notre face une vérité crue : tout être humain porte en lui sa propre caricature ! Face à ses personnages, on ne sait plus si l’on doit en rire ou en pleurer. Il y a un aspect tragi-comique dans l’œuvre de Drissi. Nabili a su le réinventer, avec des regards grotesques comme le laisse voir son remake des «Demoiselles de Tanger ». On en rit, on en pleure, on en vit tout simplement. «C’est un hymne à la vie», interprète une dame, qui semble avoir trouvé le fil d’Ariane.
Légèreté et profondeur habitent une œuvre pour le moins originale, peinte avec les couleurs de la terre. On y trouve  de l’ocre, du rouge, du noir, du jaune, du bleu… Le regard s’émerveille, s’obscurcit, s’illumine… Il faut dire que la tâche n’a pas été de tout repos, comme le reconnaît M. Nabili. «Ce travail a nécessité une année d’efforts», nous a-t-il dit. Qu’à cela ne tienne. Avec ce travail, cet artiste a amorcé un beau virage dans son long et patient parcours. Il a certes hésité au départ, il ne savait peut-être pas l’intérêt qu’il pouvait tirer d’une telle aventure. S’il a voulu rendre hommage à M. Drissi, ce dernier ne le lui a pas moins rendu.
A l’origine, était un beau rêve. Drissi se serait incarné devant Nabili, alors qu’il était en plein sommeil. Il lui aurait révélé le mystère de son œuvre. Il n’en fallait pas plus pour pénétrer dans le secret des dieux. Résultat : c’est une dame qui l’a si bien résumé lors du vernissage de l’exposition, en s’adressant à M. Nabili : «C’est une bonne évolution»! Nabili a entre autres mérites celui de nous avoir étonné, ce soir-là. N’est-ce pas là l’essence même de l’art? Faire recouvrer à l’homme sa capacité d’étonnement. Drissi serait aujourd’hui heureux dans sa tombe. Il n’aurait peut-être pas imaginé qu’il puisse être aussi glorifié. Nabili et Saïd Tlemçani, directeur de la galerie « Au 9 », ont su rendre à Drissi ce qui appartient à Drissi.

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