Culture

Nass El Ghiwane : une utopie marocaine

© D.R

Ils auront marqué des générations de jeunes marocains et continuent encore à représenter un éternel nouveau souffle dans lequel tous se reconnaissent. Nés avec les années de plomb, ils ne cessent d’incarner cette aspiration, populaire, à la limite de la naïveté tellement elle est simple, mais ferme et tout aussi légitime, à une meilleure vie. Une volonté baignée dans cette mélodieuse mélancolie si caractéristique de plusieurs de ses membres et leurs chansons. C’est ainsi que Nass Al Ghiwane restent et resteront ces cinq artistes, dans toute la plénitude du mot artiste, partageant aussi bien le même quartier de Hay Mohammadi de Casablanca que les mêmes sensibilités, tant musicales qu’idéologiques. Une sensibilité que tout auditeur trouve, on ne saurait dire par quel effet, depuis leur débit pendant les années 1970 et à nos jours.
Une alchimie d’influence, de goûts, de patriotisme apolitique et de popularité qui va déclencher une des plus belles révolutions musicales au Maroc. Ils s’appellent: Omar Sayed, Larbi Batma, Boujmîi, Alal Yâala, Abderhmane Paco, ils ont en commun d’être monter sur les planches du Théâtre avec la troupe de Tayeb Sadiki au théâtre municipal de Casablanca. Ils ont aussi en commun cet amour de la chanson et cet engagement naturel en faveur des causes de l’époque et pour une société qui ne ressemble à rien sauf à elle-même. L’air de rien, leurs paroles sont des messages, des points de vue jamais traités jusque-là. L’air de rien, leur musique, à base d’instruments, somme toute, traditionnels et avec une forte influence de ces airs gnaouis ou populaires, sonnent différemment. Ils sont différents et ils le revendiquent.
L’air de rien, ces deux ingrédients vont renverser les formes de la chanson marocaine, la remise à l’honneur des rythmes et des formes d’origine populaire auxquels ils ont redonné vie. Les mots sont simples, directs, les rythmes élémentaires, mais le succès est immense, intemporel. La portée de leur chansons, dont Elhal, Mahmouma, Sinya, Ellah ya Mollana, Ya bani insane, l’est autant. Autant de complaintes sur le mal –être de l’homme, sa profonde solitude et le désespoir qui est son lot, la torture, la misère…et que tout le monde, peu importe son âge ou la génération à laquelle il appartient fredonne, un petit pincement au coeur. C’est peu de parler de réussite. Nass Al Ghiwane sont un triomphe. L’air de rien. A preuve, les mouvements de vente frénétique des disques de Nass el Ghiwane qui s’en sont suivis et les copies, pour la plupart piratés de leurs albums que tous s’arrachent encore aujourd’hui. L’air de rien, les membres du groupe, que seule la mort semble pouvoir séparer, après la disparition de Boujmiî, de Larbi Batma, sont encore là, à chanter, à voyager, à drainer des foules autour d’eux et à partager non seulement des titres légendaires, mais un idéal de société et de manière d’être.
Les Ghiwanes ont atteint les sommets. Même l’Olympia leur a ouvert ses bras, devant 400.000 spectateurs. Ils ont non seulement convaincu, mais conquis. Leur titre Elhal (situation) véritable plaidoyer contre l’oppression et la torture, recueille tous les suffrages. Mais il n’auront tiré aucun profit de leur carrière, vivotant grâce au peu qui leur reste, mais ne demandant rien à personne. Une dignité bien marocaine. Une preuve que l’art est un don de soi sans recherche aucune de contrepartie. Un acte de générosité contre toutes les vagues d’artistes qui se vendent comme une marchandise. Une utopie qui se perd, sans que l’on se rend compte. Mais une empreinte qui fait d’eux l’un des rares groupes que l’on ne risque pas d’oublier. Et la mémoire, c’est toute la plus grande richesse.

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