Editorial

Bicéphalite aiguë

Le coup de l’Afrique du Sud – la reconnaissance de la pseudo entité sahraouie – est sans conteste un coup dur pour la diplomatie marocaine. Il intervient, justement, à contre-courant de l’évolution de cette affaire. Le Maroc a rarement eu autant de cartes entre les mains et a rarement disposé d’autant de soutien pour sa cause parmi les nations les plus crédibles dans le monde. On peut avec un «ceci expliquant cela» minimiser l’affaire sud-africaine et passer à autre chose, mais ça serait faire preuve de légèreté.
Il est vrai que la dynamique globale se trouve plutôt du côté du retrait de reconnaissance aux séparatistes que dans leur adoubement. Nous sommes passés de 75 reconnaissances à une vingtaine actuellement dont l’Afrique du Sud. L’on voit bien que le solde est négatif pour les obligés d’Alger. En fait, nous avons renforcé notre présence dans toute l’Afrique au-delà de l’arc francophone. C’est un fait indéniable. Alger peut se gausser, aujourd’hui, à travers sa presse, notamment, de la défection sud-africaine, mais la réalité est têtue, elle est objectivement dans le reflux des thèses séparatistes.
Maintenant pour le cas spécifique de l’Afrique du Sud, il est clair que nous avons mal travaillé. Voire, très mal. Nous savions que ce pays pouvait basculer d’un jour à l’autre et nous n’avons rien fait de «professionnel» pour l’en dissuader. Nous devons reconnaître ce fait et en tirer les conséquences. Notre diplomatie doit pour une fois se sentir techniquement concernée par cet échec. La position de l’Afrique du Sud était connue : soutien aux mouvements dits de libération mais jamais de reconnaissance d’États chimériques. Cette doctrine vient d’être battue en brèche par notre inconstance.
A un autre niveau, nous n’avons pas non plus évalué les risques en termes de leadership et de rivalités continentales du redéploiement de la présence marocaine en Afrique notamment par le biais de l’impressionnant voyage royal dans le continent. Que Alger ou Pretoria, ou d’autres capitales, aient pris ombrage de ce mouvement de fond, cela semble évident. Nous payons «cash», aujourd’hui, l’addition. Elle aurait été supportable si on l’avait vu venir. Mais il est manifeste que la machine diplomatique a eu des ratés au niveau précis de l’appréciation de la redistribution des cartes continentales, actuellement en cours. L’Afrique du Sud est un grand pays qui aspire à un leadership continental sans partage. Qu’il ait enrôlé l’Algérie, dans une posture, assez inédite pour ce pays, d’agent supplétif, cela peut être considéré comme étant indigne mais ça reste de bonne guerre. L’important pour nous n’est pas de subir une trahison de plus ou de moins de la part de ceux pour qui, justement, la trahison est une première nature ou une vocation intellectuelle. Là n’est pas la question. Ce qui nous chagrine c’est que la maison diplomatique marocaine semble exténuée et affaiblie par une bicéphalie qui polarise, aujourd’hui, gravement ses défauts structurels.

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