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Comment les islamistes préparent les élections

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Décidément, c’est un pentathlon que les dirigeants du Mouvement unité et réforme (MUR) ont choisi comme procédure de sélection des candidats du Parti de la justice et du développement (PJD) aux élections communales du 12 septembre prochain. Afin d’être accrédité par le PJD en tant que candidat de ce parti au scrutin communal, il faut passer par cinq grandes étapes de sélection préalablement établies par les « gardes spirituels » de ce parti à savoir les dirigeants du MUR. La procédure commence au niveau régional. Les membres du parti au niveau d’une province se réunissent en assemblée générale locale un samedi avec pour ordre du jour la confection de la liste des candidatures. La première règle instaurée par le MUR est l’interdiction pour toute personne de se porter candidate de sa propre initiative. Pour eux, avoir l’ambition d’être élu est un pêché que la Sunna (tradition du prophète) a formellement interdit. Pour justifier cette règle, ils se basent sur des hadith qui, selon eux, mettent en garde contre « l’amour du prestige, de la célébrité et le souci d’être haut placé aux yeux des créatures ». En effet, un speech prononcé en ouverture de l’assemblée par le modérateur du débat envoyé par la direction centrale du MUR en explique le fondement religieux de cette règle. « L’amour de la fortune et du prestige font germer l’hypocrisie dans le coeur comme l’eau fait germer le grain. », rappelle-t-il, avant de rapporter le hadith du prophète Sidna Mohammed, selon lequel, « Deux loups affamés lâchés sur des ovins ne seraient pas plus dévastateurs que ne le serait l’obsession des biens et du prestige pour la religion d’un homme ». Ainsi, au lieu de présenter sa candidature, l’intéressé doit attendre à ce que certains des présents le fassent à sa place. Il est à signaler que cette opération n’est qu’une mascarade car toutes les candidatures qui intéressent vraiment les dirigeants locaux du MUR sont établies la veille lors de la réunion hebdomadaire qu’ils tiennent régulièrement chaque vendredi. Ce qui signifie que le but principal de ce procédé se réduit à un seul et principal objectif : empêcher toute candidature de membres du PJD qui n’aient pas l’agrément du MUR. Une fois les candidatures définies et inscrites sur un tableau, les concernés quittent la salle de réunion pour laisser les membres de l’AG locale se concerter. Commence alors une autre procédure inspirée de la science du Hadith qui s’appelle « Al Jarh wa taadil ». Ce procédé, qui signifie « la critique et l’agrément », était utilisé par les érudits de la théologie islamique pour s’assurer de la véracité des hadith du prophète en enquêtant sur l’honnêteté de tous ceux qui font partie de la chaîne de transmission de chaque hadith. Un procédé qui permettait de désavouer certains transmetteurs ou de ce qui validait leurs propos. C’est en utilisant cette règle que les membres de l’assemblée soutiennent ou refusent un candidat. Les observations des intervenants sur certains postulants ont une connotation takfiriste notoire. Ainsi, avoir été vu assis dans un café, avoir une femme non voilée, ou s’être rendu à la plage une fois dans sa vie, sont des raisons suffisantes pour être écarté automatiquement et sans appel de la liste. Appliquant cette règle, le secrétaire général du parti, Abdelkrim El Khatib, serait écarté de son poste, puisqu’il a lui-même avoué à maintes reprises que son épouse et ses filles ne portent pas le voile. La liste établie passe ensuite par quatre autres étapes de contrôle à savoir la ratification par le bureau provincial, le bureau régional regroupant toutes les provinces de la région, le secrétariat général, et enfin par le comité de gestion des élections. Ce dernier est composé de cinq membres qui sont Saad Eddine Othmani, Abdellah Baha, Lahcen Daoudi, Abdelkader Amara, et Mohamed Khalil. Ces cinq personnes appartiennent toutes au bureau exécutif du MUR. Par ailleurs, le Mouvement vigilance et vertu (MVV), présidé par le membre du secrétariat général du PJD, Mohamed Khalidi, a été maintenu à l’écart des élections. Ses membres ont tous été automatiquement éliminés des listes de candidatures. À titre d’exemple, on citera le cas du Dr. Mustapha Grin. Ayant bénéficié de l’accréditation du parti lors des élections législatives du 27 septembre 2002, ce médecin de Témara s’est porté candidat aux communales. Après avoir pu surmonter tous les obstacles du pentathlon MURISTE, il obtint le 11ième poste sur une liste de 35 candidats. S’estimant lésé, il souleva la question avec Dr El Khatib sollicitant son arbitrage. L’intervention de ce dernier lui coûta son 11ième rang et il fut sanctionné par les dirigeants locaux du MUR qui le recalèrent au 13ème. Le calvaire de M. Grin ne s’arrêta pas là. Car, quelques jours après, le MVV avait soumis à Abdelkrim El Khatib une liste de 21 cadres du parti qu’ils proposent comme candidats aux élections communales. Voyant que le nom de M. Grin était sur la liste, les membres de la commission locale l’éliminèrent définitivement et présentèrent la liste sans qu’il y figure. S’agissant de la liste du MVV, elle fut entièrement refusée. Suite à cette attitude, et constatant que leur parti était entièrement englouti par les dirigeants et les militants du MUR, tous les anciens, rassemblés au sein du MVV, seraient en train de préparer leur départ du PJD. Les signaux d’une éventuelle sécession au sein de ce parti sont donc de plus en plus perceptibles. Enfin, il est clair que le PJD n’est plus sous le contrôle de son secrétaire général et que le MUR et son véritable dirigeant, Ahmed Raïssouni, ont pris le contrôle total de ses instances.

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