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Éditorial : Boire du petit lait

© D.R

Un litige commercial oppose le Maroc et les Émirats Arabes Unis à propos des importations de certains produits agroalimentaires  dans le cadre de l’accord de libre-échange liant les deux pays depuis 2003. Profitant de cet accord, une entreprise de Dubaï, Stock Pralim LTD, pour ne citer que celle-là, a introduit récemment au Maroc à des prix très compétitifs une énorme cargaison de lait en poudre destinée aux Forces Armées Royales. Du coup, c’est la polémique sur fond de tension qui s’installe. Les services de  douane au port de Casablanca bloquent toujours la marchandise arguant que celle-ci n’est pas totalement émiratie et qu’elle ne doit pas de ce fait bénéficier d’un régime de détaxation. Non, rétorque la société en cause, le produit justifie d’un taux de valeur ajoutée locale de 40% qui fait de lui une denrée librement exportable dans le Royaume. Les défenseurs de l’entreprise en difficulté au Maroc crient au scandale et à une tentative désespérée de protéger certains monopoles bien installés, Nestlé pour ne pas la nommer. Ce qui est sûr c’est que Dubaï est connue pour abriter une gigantesque zone franche du nom de Jbel Ali où sont fabriqués ou acheminés des produits de toutes sortes en totale franchise de droits de douane. C’est une partie de ces produits, notamment agroalimentaires comme le lait, le sucre et même le couscous-pâtes, qui sont aujourd’hui exportés ou réexportés vers le Maroc au risque de tuer la petite industrie nationale qui, elle, ne bénéficie d’aucun avantage douanier pour les matières premières et les intrants industriels. C’est cela le paradoxe dans toute sa splendeur.
Alors faut-il au nom du libre-échange privilégier la libéralisation à fond parce que les produits venus d’ailleurs sont soi-disant vendus à bas prix pour le consommateur final ou bien faire jouer la clause de sauvegarde de la production nationale prévue dans les accords de l’OMC ? Il ne s’agit pas de protéger cette dernière mais de lui permettre- c’est son droit- d’évoluer dans un cadre de compétition loyale en la mettant d’abord sur un pied d’égalité avec la concurrence pour ce qui est du prix des matières premières. À moins de déclarer officiellement haut et fort que le Royaume n’a pas besoin de son secteur agrolimentaire (confiseries, couscous-pâtes, lait, chocolateries, jus…) et qu’il faut désormais ouvrir les vannes des importations de ces produits aussi. Cette solution extrême a évidemment son coût politique, social et économique.  
Il est clair que les autorités gouvernementales ont mal négocié les clauses de nombre d’accords de libre-échange signés ces dernières années en n’introduisant pas, sinon une exception agricole et agroalimentaire, du moins un moratoire de plusieurs années comme ce fut le cas de l’agriculture avec les Etats-Unis. Ce n’est pas parce que les Émirats Arabes Unis ont investi 4,8 milliards de Dollars au Maroc et que ce dernier compte dans ce pays ami une importante communauté de travailleurs qu’il faut tout accepter. Le commerce a ses règles qu’il est nécessaire de respecter pour ne pas tomber dans le libéralisme sauvage et dévastateur. 

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