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Éditorial : Les forçats du béton

Le drame de Bournazil à Casablanca où ont péri mardi 9 novembre trois hommes, deux maçons et un sapeur-pompier, est un vrai scandale qui en dit long.
Le lieu de la tragédie est une ancienne décharge publique sur laquelle le promoteur prévoyait de construire la sixième tranche d’un programme ambitieux de logements sociaux. Selon toute vraisemblance, la zone, remblayée, n’était pas bien stabilisée. Ce qui a causé ce glissement de terrain mortel. Pire, les travaux d’excavation se sont déroulés, comme c’est l’habitude au Maroc, en dehors de toutes les normes de sécurité requises dans le domaine du bâtiment. Au moment où l’éboulement du terrain se produisit, les maçons, sans le moindre équipement de protection, étaient en train de creuser avec des pelles par 7 mètres de profondeur. Et la terre leur tomba sur la tête. Les sapeurs pompiers venus les secourir n’étaient pas plus équipés en moyens de sauvetage. Ils se sont jetés aveuglément dans le trou en utilisant l’attirail du maçon : pioche, pelle et corde.
Quel dénuement ! Tout est révoltant dans cette triste affaire. Une question se pose d’emblée. Et quelle question ! Comment se fait-il que le promoteur ait été autorisé à ériger sur un lieu à haut risque un complexe immobilier par les organismes concernés que sont l’agence urbaine de la ville dirigée par Fouzia Imansar et l’arrondissement de Moulay Rachid présidé par Mohamed Jbiel ? L’une et l’autre doivent s’expliquer. La responsabilité de la première entité, qui se trouve en première ligne de l’acte de bâtir, est clairement engagée. Les études géo-techniques, obligatoires avant lé démarrage de tout chantier , ont-elles été faites ? Pourquoi l’architecte et le chef du chantier, également responsables, ont-ils cautionné cette oeuvre dangereuse ?
Il faut que chacun des intervenants assume ses responsabilités dans le cadre d’une enquête judiciaire qui doit aller jusqu’au bout. L’accident de Bournazil, où il y a eu mort d’hommes, jette une lumière crue sur l’état du secteur du bâtiment au Maroc. Un état catastrophique avec des chantiers non sécurisés où triment au noir et dans des conditions d’extrême précarité, sans sécurité sociale ni assurance, une armée de maçons corvéables et taillables à merci. Beaucoup de promoteurs dans ce pays continuent dans l’impunité totale à s’enrichir sur le dos de ces pauvres forçats du béton pour des salaires de misère. Qui contrôle ces chantiers où l’anarchie sévit de plus belle et sanctionne les multiples enfreintes à la législation qui s’y commettent à ciel ouvert ?
Il ne faut pas que la politique du logement social procédant d’une volonté louable d’éradiquer les bidonvilles se transforme en un chèque en blanc donné aux opérateurs de l’immobilier. Ces derniers, qui ne sont pas au-dessus des lois, ont obligation de s’y conformer. Visant principalement à responsabiliser les différents acteurs en matière d’habitat et d’urbanisme en criminalisant les violations dans ce domaine, le projet de loi Hjira prend, à la lumière du drame de Bouranzil, toute son importance. Combattu depuis le début par les élus communaux, ce texte doit être rapidement adopté par le Parlement pour que soit mis fin au désordre qui règne dans un secteur qui a besoin d’une vraie mise à niveau.

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