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Inceste ou machination ?

Mohamed Doukhou, 43 ans, est sous le choc.Complètement assommé. Dans sa cellule de la prison «Zaki» de Salé, il n’arrête pas de se torturer l’esprit pour essayer de comprendre comment et surtout pourquoi il a subi cette descente aux enfers. Parfois, il se sent devenir fou. Comment son ex-épouse et surtout sa fille ont-elles pu l’accuser d’inceste, le pire forfait qui puisse se commettre? Et le traîner devant les tribunaux, avant de finir par l’envoyer derrière les barreaux ? Derrière les barreaux, ce jeune cadre brillant de Maroc-Telecom n’arrive pas à fermer l’œil de la nuit, et lorsque, épuisé, il somnole un peu, une suite ininterrompue d’images cauchemardesques le font sursauter. Il se revoit, en ce triste mardi 15 mars 2005, devant le substitut du procureur près la cour d’appel de Rabat, qui lui a signifié sa mise immédiate en détention préventive, alors qu’il était venu libre de ses mouvements, clamer encore une fois son innocence. Toute sa vie, qui était déjà ébranlée, a basculé dans l’horreur.
Il n’en croyait pas ses yeux de se voir embarqué  dans le panier à salade, comme un malfrat. L’accusation était de taille : inceste. Et elle n’émanait de personne d’autre que de son ex-épouse et de sa propre fille de 11 ans. Les faits se seraient passés les 16 et 23 décembre 2004, alors que la mère avait laissé courir le bruit que Doukhou abusait de sa fille depuis six ans, c’est-à-dire depuis que celle-ci avait quatre ans. Mais ce sont uniquement ces deux dates qui ont été retenues. C’est cette même accusation qui avait été à l’origine de son divorce, il y de cela onze mois. Un divorce à la suite duquel il avait signé un papier où il s’engageait à ne pas revoir sa fille aînée avant que celle-ci n’atteigne l’âge de 18 ans. Un engagement qui sonne comme un aveu, mais qui, selon les dires de l’accusé, avait été le fruit d’une terrible pression exercée par son épouse, qui n’arrêtait pas, selon de nombreux témoins, de le harceler et de menacer de le «détruire».
Il n’aurait jamais pu croire que ce bout de papier aurait pu avoir de telles conséquences. De plus, s’était-il dit, sa fille et lui ne pourraient pas supporter de ne pas se voir durant une aussi longue période et ce n’était pas un bout de papier qui allait les empêcher de le faire.
Flash-back. Baccalauréat scientifique en poche, le jeune Mohamed, orphelin de père et issu d’une famille modeste de Salé, avait réussi le concours d’entrée à l’Institut national de statistique appliquée (INSEA) de Rabat. Major à la sortie de l’école, il avait été recruté en tant qu’ingénieur d’application par l’Office national des postes et télécommunications (ONPT), qui allait, par la suite, devenir Maroc-Telecom et avait, naturellement pris en charge ses frères et sœurs, ainsi que sa maman. Parallèlement, il avait obtenu le diplôme du cycle supérieur du même institut, qui lui donnait droit au grade d’ingénieur d’Etat. Une carrière prometteuse était mise sur orbite, puisque Doukhou, qui s’était marié entre-temps, allait être nommé, à force de travail et de persévérance, directeur du système d’information mobile, un poste extrêmement sensible et générateur de fonds pour l’entreprise. Sa gentillesse, sa courtoisie, sa disponibilité et sa générosité étaient -et sont toujours – appréciées de ses collègues, qui n’arrivent toujours pas à croire à ce qui lui arrive. Des qualités qui lui sont reconnues même par la femme dont il a partagé la vie pendant de nombreuses années.
Une union qui avait connu des moments heureux et à l’abri de tout souci matériel. Mais, comme cela peut arriver, le cours de sa vie familiale n’allait pas de pair avec  le succès qu’il connaissait sur le plan professionnel. En d’autres termes, son couple battait de l’aile. Et parler d’incompatibilité d’humeur entre les deux époux relavait de l’euphémisme. Rien, selon des amis proches du couple, n’allait plus entre les deux époux, qui avaient eu trois filles. Des disputes en public, qui tournaient parfois au scandale. Tout cela nourrissait une rancune et une rancœur réciproques, qui finissaient par empoisonner la vie de la petite famille.
Enfant du divorce, l’épouse avait vu son père se remarier avant que sa mère ne meure d’un cancer et s’était fait expulser par sa belle-mère. La petite fille aurait tout raconté à sa mère alors que son papa était en mission au Burkina Faso, en février 2004. C’est quand il est rentré que la mère a commencé à accomplir, en secret, toutes les démarches qui allaient le conduire là où il est actuellement : à l’ombre. Précision: pendant que son épouse, accompagnée de la fille aînée, s’activait, c’est Mohamed qui est resté à la maison avec leurs deux autres petites filles.
Il est ensuite allé en déplacement en France et c’est à son retour qu’il a eu un choc : l’appartement était désert. Sa femme, ainsi que ses filles, avaient disparu. Ce n’est que le lendemain que son beau-frère est venu le voir pour discuter des termes du divorce. Son épouse exigeait 7.000 dirhams de pension alimentaire en plus de l’appartement acquis en copropriété. Mais, là, le problème ne se posait pas vraiment, puisque l’appartement, acquis par les deux époux à hauteur de 50% chacun, était au nom de leurs filles. Et que celles-ci allaient rester avec leur maman. En fait, selon lui, elle voulait que l’appartement soit mis en son nom à elle pour qu’elle puisse le revendre. Chose qu’il a catégoriquement refusée. Finalement, chacun est allé de son côté et a essayé de panser ses plaies. C’est là que son ex-épouse aurait commencé à le harceler sur le plan financier.
Bien qu’étant divorcée, elle lui demandait de lui acheter une automobile, en lui rappelant qu’elle ne profiterait pas de la prime annuelle substantielle qu’il allait percevoir et qui était de l’ordre de 100.000 dirhams.
Lui, se contentait de lui rétorquer qu’avec 7.000 dirhams mensuels, elle pouvait mener une vie à l’abri du besoin…  Et surtout, qu’il voulait refaire sa vie… D’autant plus qu’on prêtait volontiers à Doukhou l’intention de bénéficier des indemnités d’un départ volontaire qui se chiffreraient à quelque 1,8 million de dirhams. Suite à cela, plainte a été déposée par la mère pour des attouchements supposés sur la personne de leur fille aînée. Mohamed Doukhou, qui n’avait pas le droit de voir sa fille, aurait donc pu, par deux fois, les 16 et 23 décembre 2004, aller, à 17h30, chercher sa fille à la sortie de l’école Jeanne d’Arc, dans le Haut Agdal, l’emmener dans un appartement, la droguer, procéder à des attouchements sur elle et la ramener à son école à 18h00 !
Cela paraît pour le moins difficile, quand on sait que sa fille, qui l’avait accusé d’attouchements incestueux, aurait pu au moins se montrer méfiante, sinon hostile, en le voyant à la porte de l’école. Et même dans le cas contraire, pour qui connaît un tant soit peu l’encombrement de cette zone de l’Agdal à l’heure de sortie des élèves, les embouteillages causés par les voitures des parents et surtout le temps qu’il faut pour aller de l’école à l’appartement de l’Avenue Atlas où il aurait accompli ses actes inavouables. Et ensuite revenir pour la ramener avant que la mère ne vienne la chercher. Cela en supposant qu’il devait être d’avance au courant que son ex-épouse serait en retard d’une demi-heure les deux jours où il aurait accompli son forfait. En outre, les enquêteurs ont découvert que l’appartement, où il était supposé avoir abusé de l’enfant, était occupé par un ressortissant égyptien, qui, à l’instar du gardien de l’immeuble, n’a reconnu ni le père, ni la fille. On peut, à la limite, supposer qu’une enfant de 10 ans puisse se tromper. Fait encore plus troublant, la plainte a été déposée le 23 décembre, de même que la lettre de la directrice de l’école faisant état du changement de comportement de la fille, ainsi que le certificat médical attestant de «rougeurs et d’érosion superficielle au niveau de la vulve». C’est dire que l’enfant a, certes, été l’objet d’attouchements. Mais pourquoi affirme-t-elle avec autant de force que c’est son père qui en a été l’auteur ? Rappelons que c’est durant cette même journée du 23 décembre que Mohamed Doukhou l’aurait emmenée dans l’appartement pour la seconde fois. Il y a de quoi se poser des questions… Comme, par exemple, pourquoi ne pas chercher à le prendre en flagrant délit, sachant que ses supposés méfaits étaient connus ?  Ou alors pourquoi ne pas avoir cherché tout simplement et tout naturellement à protéger la petite fille, sachant qu’elle était la cible d’actes bien plus que malveillants ? Des questions qui semblent ébranler même l’association «Touche pas à mes enfants», qui s’est portée partie civile et qui a pesé de tout le poids dont elle est capable dès qu’elle a été avisée par l’ex-épouse de Doukhou. Autre fait non moins troublant, des sources proches de l’administration de Maroc-Telecom attestent formellement que les 16 et 23 décembre 2005, à l’heure où il était supposé commettre l’inceste, c’est-à-dire entre 17h30 et 18h00, Mohamed Doukhou était bel et bien dans son bureau. Et c’est devant le tribunal que les preuves pourront être fournies. Et aux dernières nouvelles, l’association, qui semble avoir été troublée par certaines incohérences, aurait essayé d’entrer en contact avec le père. Sans succès.
Les zones d’ombres sont plus que nombreuses dans cette douloureuse affaire, qui laissera, à jamais, des êtres meurtris et des vies brisées. En attendant, Mohamed Doukhou est toujours derrière les hautes murailles de la prison civile de Salé. Sur la seule base que c’est sa propre fille qui l’accuse.

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