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Karim Ghellab : «Il faut rehausser les critères d’accès à la profession de transporteur»

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ALM : Quel bilan faites-vous après une année du lancement de la stratégie nationale de la logistique?
Karim Ghellab : Je rappelle que la mise en œuvre de cette stratégie se base sur une approche partenariale entre l’Etat et le secteur privé, qui avait été actée par la signature d’un contrat-programme sur la période 2010-2015, en présence de SM le Roi en avril 2010. Ce contrat définit le cadre de développement du secteur de la logistique au Maroc, fixe les grandes lignes et les objectifs de la nouvelle stratégie intégrée pour le développement de la compétitivité logistique et décline les engagements communs de l’Etat et du secteur privé. Conformément au plan d’action à court terme, nous avons entrepris plusieurs actions pour la promotion de la nouvelle stratégie à travers la participation effective aux différents événements et manifestations liés au secteur de la logistique tant au Maroc qu’à l’étranger.  Des démarches ont également été entamées pour la recherche et la  mobilisation du foncier public destiné au développement du réseau des zones logistiques dans les différentes régions du Royaume. Je rappelle que dans la région du Grand Casablanca, il s’agit de la mobilisation d’environ 1.000 ha.  Pour la composante ressources humaines qui conditionne la réalisation des objectifs prioritaires de création d’emplois, le plan d’action de formation d’accompagnement de la stratégie, pour le développement des compétences et des profils requis par le secteur à l’horizon 2015, démarrera effectivement avec le lancement l’année prochaine d’un programme de formation piloté par l’OFPPT au profit de quelque 1.945 stagiaires. Enfin, nous poursuivons nos efforts pour activer l’adoption par le Parlement de la loi relative à la création de l’agence marocaine de développement de la logistique, qui sera le bras armé de cette stratégie, en charge de la mise en œuvre et la réalisation du contrat-programme.  Je rappelle que le projet devra être voté par la Chambre des députés et faire l’objet d’une deuxième lecture à la Chambre des conseillers. Nous travaillons pour achever cette étape importante au cours de l’actuelle session du Parlement, c’est-à-dire d’ici juillet au maximum.

Dans quelle mesure la stratégie nationale pourrait-elle contribuer au développement du secteur de la logistique au Maroc?
Aujourd’hui, la performance du secteur dans son ensemble reste à un stade intermédiaire, caractéristique des pays émergents, avec un fort potentiel de développement, une offre de services logistiques encore variable en termes de coût, de qualité et de délai, une demande des opérateurs en moyenne peu sophistiquée et un manque d’infrastructures spécialisées sur certains flux. La nouvelle stratégie logistique présente des enjeux économiques importants et ambitionne de : réduire le poids des coûts logistiques du Maroc par rapport au PIB pour passer de 20% actuellement à 15% à l’horizon 2015 au profit des consommateurs et de la compétitivité des opérateurs économiques à travers une gestion optimisée, sécurisée et massifiée des flux de marchandises, accélérer la croissance du PIB de 3 à 5 points à l’horizon 2015 par l’augmentation de la valeur ajoutée induite de la baisse des coûts logistiques et de l’émergence d’un secteur logistique compétitif, soit une valeur ajoutée additionnelle de 15 à 20 milliards de dirhams, contribuer au développement durable du pays, à travers la réduction des émissions CO2 de 35% à l’horizon 2015 et de la décongestion des routes et des villes.  La nouvelle stratégie logistique prévoit la réalisation de 70 zones logistiques multi-flux dans 18 villes. Ces zones seront de véritables pôles d’excellence logistique qui encourageront les entreprises marocaines à la sous-traitance de leurs activités logistiques qui est limitée aujourd’hui à 10% seulement contre 75% au Japon, à titre d’exemple. L’externalisation de ces activités auprès de professionnels de la logistique est au cœur de l’amélioration de la performance recherchée tant chez les entreprises que chez les opérateurs logisticiens.

La sixième édition du Salon Logima se déroule du 5 au 7 mai à Casablanca. Quelle est la particularité de cette édition par rapport aux précédentes éditions?
Logima est un rendez-vous annuel avec un ensemble d’expertises et de solutions qui permet aux dirigeants d’entreprises d’améliorer leur compétitivité et leur performance, aussi bien sur les aspects stratégiques, commerciaux qu’opérationnels.  Il leur permet ainsi d’obtenir l’information recherchée, d’avoir des réponses aux questions d’optimisation des outils et ressources, de trouver des solutions ou des concepts performants, de lier des partenariats, d’agrandir leur réseau de prestataires et de faire, en fait, de leur logistique un centre de profit. La particularité de cette 6ème édition est peut-être l’accent mis sur la Région. En effet, la région est aussi amenée à jouer un rôle fondamental en développant des stratégies d’attractivité et d’amélioration de la compétitivité de leurs entreprises et la logistique sera un facteur important de réduction des déséquilibres entre les régions, notamment au niveau du marché de l’emploi, de l’investissement et de la création des richesses. Il est à noter que  la nouvelle stratégie logistique préconise une vision de développement déconcentré avec le déploiement d’un schéma national de zones logistiques couvrant l’ensemble des régions du Royaume.

Ce Salon est placé cette année sous le thème «La logistique au cœur des décisions stratégiques : de la logistique la supply chain». Quelle lecture faites-vous pour ce sujet ?
En plaçant cette édition sous ce thème, les organisateurs indiquent que la chaîne logistique — ou supply chain — est devenue beaucoup plus complexe à gérer, d’une part en raison du grand nombre d’acteurs et fonctions impliqués, et d’autre part du fait des risques et aléas de toute sorte qui se sont multipliés.  La «Supply Chain» n’est pas une fonction de l’entreprise, ce n’est pas non plus un service achetable à un prestataire de service, c’est une démarche de fonctionnement visant à assurer une gestion et une synchronisation de l’ensemble des processus et permettant à un ou plusieurs systèmes clients-fournisseurs de prendre en compte et de répondre aux attentes des clients finaux. Elle contient toutes les activités associées au flux et à la transformation des biens, depuis les matières premières jusqu’au produit fini livré à l’utilisateur, ainsi que les flux d’informations associées. De ce fait, sa gestion permet à l’entreprise de réaliser un avantage compétitif en mettant la satisfaction des besoins clients au cœur du système.

Comment développer une supply chain efficace et durable dans une économie de marché concurrentielle?
La supply chain est une manière d’appréhender de façon globale les flux physiques et les flux d’informations dans l’entreprise. Il n’existe pas de démarche standard pour son optimisation, mais elle est conçue en fonction du secteur d’activité et de la maturité des systèmes mis en place par les entreprises.  Les objectifs étant toujours d’améliorer la flexibilité et la réactivité et d’utiliser de façon optimale les moyens de production et de la logistique, les enjeux sont la satisfaction des attentes des clients à travers une flexibilité et une fiabilité de l’organisation, la réduction des coûts en optimisant l’utilisation des actifs avec un véritable lien entre les différents processus de l’entreprise.  La clé de la réussite réside dans la mise en cohérence des outils, des processus et des pratiques quotidiennes avec la stratégie supply chain définie par les entreprises.

Quelles étaient les retombées des éditions précédentes du Salon sur le secteur de la logistique ?
La réussite des cinq premières éditions de Logima témoigne de l’intérêt croissant que portent les opérateurs économiques à la logistique, ce secteur est reconnu comme un levier essentiel dans toutes les stratégies compétitives. Espaces et moments conviviaux, de partage et d’échange d’informations et d’expériences concrètes, les précédentes éditions ont permis d’aider les entreprises dans l’enrichissement de leur culture logistique et de présenter des solutions et savoir-faire des métiers du transport et de la logistique et de fédérer la communauté du transport et de la logistique autour d’une plate-forme annuelle de rencontres, de contacts et d’affaires.

Comment évaluez-vous la participation des entreprises dans le domaine de la logistique pour cette année?
Pour susciter l’intérêt d’une large cible de visiteurs professionnels de tous les secteurs d’activités et de toutes les régions du Maroc, Logima engage ses efforts, à l’échelle nationale et internationale, sur une campagne de communication et de promotion renforcée. Pour cette édition, qui ambitionne de réunir près de 200 exposants, nationaux et internationaux. La superficie dédiée à l’exposition est de 70% plus importante que l’année dernière. On attend plus de 8.000 visiteurs professionnels de toutes les sphères d’activités. Ainsi, Logima confirme sa position et se veut parmi les plus grands rassemblements des acteurs du secteur du transport et de la logistique au Maroc.

Quel est le positionnement logistique du Maroc dans l’échiquier mondial ?
Le Maroc dans la région est plutôt en avance par rapport à d’autres pays, en ce qui concerne le développement de ses infrastructures de transport et d’introduction de la concurrence dans les différents modes de transport par l’ouverture du marché au secteur privé. A titre d’exemple, grâce à Tanger Med, la réforme portuaire et la libéralisation maritime, l’indice de connectivité du Maroc est passé de la 77ème place mondiale en 2007, à la 17ème place selon le classement annuel publié par la CNUCED. Il devient ainsi le 1er en Afrique devant l’Afrique du Sud et l’Egypte. C’est aussi l’un des pays où la concertation avec les partenaires économiques est très avancée, ce qui a permis de créer un environnement économique ouvert à la concurrence et aux investissements étrangers. Ce système a été caractérisé par le développement et la mise en place de projets importants, notamment les zones franches qui permettent à des entreprises étrangères de développer des filiales d’entreprises locales et de créer de la connaissance technique, du savoir-faire et de l’emploi. Renault a notamment choisi le Maroc plutôt que la Turquie grâce à l’offre logistique multimodale ferroviaire-portuaire et maritime qu’apportait Tanger Med. Les offres de services que présentent le Maroc en phase avec ses atouts réels et potentiels sont entre autres l’avantage de proximité pour attirer les délocalisations, il favorise la conclusion d’opérations de partenariat (sous formes de prises de participation, joint-ventures,…) entre entreprises locales et firmes étrangères, impulse les investissements des firmes multinationales à la recherche de nouveaux sites d’implantation dans le cadre de la redistribution et la rationalisation de leurs processus de production. A cet effet, le renforcement de la présence d’acteurs internationaux de la logistique, en synergie et complémentarité avec les acteurs locaux, améliorera l’intégration de la chaîne logistique marocaine aux «supply chains» globales, nationale et internationale, et créera une nouvelle dynamique au sein du secteur.

Comment le ministère fait-il pour accompagner les entreprises nationales dans un marché fortement concurrentiel?
L’amélioration de l’offre des services logistiques et de transport de marchandises, notamment la mise à niveau des acteurs «camions» nécessite un cadre sectoriel moderne, notamment en ce qui concerne l’accès à la profession, la normalisation, la coordination et la régulation, ainsi que le développement d’une offre plus sophistiquée, surtout au niveau des acteurs nationaux (seulement 10 à 15 logisticiens essentiellement internationaux, représentant 0,5% des acteurs et se limitant uniquement à des services de transport-stockage).
En réponse aux enjeux que présente le secteur et à la nécessité de développement de l’offre de sous-traitance afférente, il est aujourd’hui impératif de le mettre à niveau en réalisant les objectifs suivants. Il faut élaborer et instaurer un système de classification et qualification des acteurs logistiques et mettre en place une réglementation transparente facilitant l’accès au foncier réservé aux activités logistiques. Il faut aussi instaurer un cadre incitatif facilitant l’entrée sur le marché local des entreprises opérant dans le secteur de la logistique destiné aux tiers et inciter les opérateurs économiques à recourir, pour leurs besoins logistiques, aux prestataires organisés et à externaliser leurs activités logistiques notamment à travers l’organisation de rencontres de dissémination des meilleures pratiques. Il est question aussi de fédérer le secteur privé pour l’adhésion aux différents systèmes de labellisation du secteur mis en place par le gouvernement et de rehausser les critères d’accès à la profession de transporteur, dans un souci d’en augmenter le professionnalisme et de lutter contre l’effritement de la profession. Par ailleurs, des actions ont été lancées pour remédier à la vétusté du parc de véhicules dédié au transport de marchandises et encourager son rajeunissement, notamment à travers le programme de renouvellement du parc camion et la mise en place de la prime à la casse correspondante. S’étalant sur trois ans (1er janvier 2011 au 31 décembre 2013), le montant de cette prime varie entre 90.000 et 155.000 DH pour le transport de marchandises pour le compte d’autrui. Ces encouragements sont versés pour tout remplacement d’un camion âgé de plus de 15 ans ou 20 ans, selon le cas, par un camion neuf. Pour le renouvellement des remorques, la prime atteint 130.000 DH. Ainsi, le montant que nous versons pour un ensemble articulé camion tracteur + semi remorque atteint 285.000 DH.  C’est une aide concrète à l’amélioration de la compétitivité du transport de marchandises et nous avons budgétisé, dans ce sens, sur la loi de Finances 2011, un montant de 170 millions DH pour financer ce programme de renouvellement et nous avons aussi, désormais interdit dans le cadre du nouveau code de la route et de ses nouvelles règles environnementales, l’importation de véhicules âgés de plus de 5 ans.

Logima 2011 : Pour l’enrichissement de la culture logistique des entreprises
Le Salon international des métiers du transport et de la logistique se tient, du jeudi 5 au samedi 7 mai, à Casablanca. Ce salon a pour vocation d’aider les entreprises dans l’enrichissement de leur culture logistique. Cette sixième édition de Logima qui se tient sous le thème «La logistique au cœur des décisions stratégiques : de la logistique à la supply chain», se caractérise par plusieurs nouveautés. «Nous avons voulu cette année, tout en poursuivant notre objectif de promotion du concept de logistique comme un levier stratégique de compétitivité des entreprises marocaines, aller un peu plus loin en sensibilisant ces dernières sur l’intérêt et les possibilités à mettre en place une démarche supply chain permettant de s’ouvrir aux autres acteurs, aussi bien en amont qu’en aval», souligne Abdelali Berrada, président du Salon, dans une déclaration à ALM. Les nouveautés se situent également, selon la même source, «au niveau des produits, services et projets des exposants notamment en termes d’innovation technologique (logiciels verticaux, RFID, systèmes d’exploitation mobiles….), de prestations logistiques, de plates-formes logistiques aux normes internationales». Selon M. Berrada, le Salon accueille cette année la Région Nord-Pas de Calais en tant qu’invitée d’honneur dont le pavillon abritera une douzaine d’acteurs de la filière logistique. Au niveau des exposants, souligne le président de Logima, «le Salon occupe cette année, et pour la première fois, les deux halls du lieu d’exposition et, de ce fait, de connaître une augmentation significative du nombre des participants par rapport à l’édition précédente (+35%) dont une vingtaine d’étrangers, particulièrement de la France, d’Espagne et de la Belgique».

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